« Quand tu te lèves le matin, remercie pour la lumière du jour, pour ta vie et ta force. Remercie pour la nourriture et le bonheur de vivre. Si tu ne vois pas de raison de remercier, la faute repose en toi -même. » Proverbe amérindien
J’ai toujours été fascinée par les amérindiens. Enfant, j’ai beaucoup pleuré devant des films cultes : Little Big Man et Danse avec les loups. L’histoire de ces rencontres avec des peuples autochtones me touchait droit au coeur. C’est peut-être lié au fait qu’ils incarnaient à mes yeux la liberté originelle et sauvage. L’enfant que j’étais alors était en accord total avec cette façon d’envisager la vie. J’étais également émerveillée par le lien qu’entretenait les indiens avec la nature et les esprits. Mon âme d’enfant était sous le charme de leur magie.
En grandissant, je n’ai pas forcément cherché à en savoir davantage sur les premières nations d’Amérique du Nord. Mes voyages m’ont conduite vers d’autres contrées. Et j’ai appris ailleurs des visions du monde tout aussi inspirantes. Mais ce qui naît dans nos coeurs d’enfant finit toujours par se rappeler à nous un jour.
Quand je suis partie au Québec, une petite voix m’a soufflé à l’oreille : Et si tu en profitais pour aller visiter une réserve indienne ? J’ai entendu cette petite voix en faisant mine de ne pas l’écouter. Sa demande s’est malgré tout imprimée en moi. Je n’avais absolument pas prévu de visiter une réserve et je n’avais aucune idée de la manière dont j’allais m’y prendre.
Encore une fois le hasard et de jolies synchronicités m’ont amenée exactement là où je devais aller.
Et je suis donc arrivée jusqu’à la réserve Mohawk de Kahnawaké. Elle est située à 10 km au sud de Montréal, de l’autre côté de l’île Saint-Louis. Je m’y suis rendue avec mon amie québécoise Suzie.
La réserve n’a pas forcément bonne réputation et ma demande paraissait donc un peu incongrue. J’ai compris par la suite que les relations avaient été très tendues entre les habitants de la réserve et le gouvernement canadien dans les années 90. A l’époque, un projet d’agrandissement d’un terrain de golf avait mis le feu aux poudres. Le projet empiétait sur des terres considérées comme sacrées. Le ton était alors monté et des guerriers mohawks s’étaient alors rebellés en mettant en place des barrages routiers. Certains d’entre eux étaient armés et un policier avait alors été tué. Un passé trouble qui résonne encore dans les mémoires 20 ans plus tard. En 2010, le conseil de la réserve a décidé d’expulser tous les non -mohawks et cette décision n’a certainement pas aidé à apaiser les choses. Le territoire est également connu pour abriter des organisations criminelles armées. Tout n’est pas toujours tout rose au pays des indiens.
Mais au moment où mon désir d’aller dans cette réserve résonne fort en moi, ces informations ne me découragent pas. Je suis dans l’instant présent et j’ai juste envie d’aller voir, c’est plus fort que moi. Je me dis juste que c’est trop bête d’être si près et de ne pas aller voir à quoi ressemble cette réserve.
Après bien des péripéties mon amie et moi-même arrivons donc à Kahnawaké. 10 000 personnes y vivent. Il y a des grandes maisons en bois, comme on en voit dans tous les villages canadiens. Des citrouilles d’Halloween décorent les jardins. Il pleut. Nous ne croisons pas grand monde dans les rues.
Nous décidons de visiter la petite église catholique de la réserve. Elle abrite le tombeau d’une jeune amérindienne du 17 ème siècle, Kateri Tekakwitha qui vient d’être canonisée par le Vatican. C’est la première amérindienne reconnue officiellement comme une sainte. De nombreux amérindiens catholiques voient en elle l’incarnation du féminin sacré. Elle aurait provoqué des guérisons miraculeuses et elle est vénérée pour cela jusqu’au Mexique et jusqu’aux Etats-Unis. L’église est magnifique, elle est lumineuse et colorée.
Nous rencontrons Trudy, une mohawk , fervente catholique. Elle est bénévole au sein de cette église. Elle nous explique le rapport qu’elle entretient avec cette sainte. Pour elle, Dieu est partout : dans la nature, dans le coeur des hommes et dans l’esprit de Kateri, qui occupe tout l’espace dans cette église. C’est une femme vraiment positive et fervente. Elle dégage une grande sérénité et son sourire est lumineux.
Trudy nous indique ensuite l’adresse du centre culturel où sont enseignés l’art et la langue mohawk. Nous y entrons timidement. L’accueil est chaleureux.
Je me réjouis à l’idée d’en apprendre plus sur les traditions et les us et coutumes de cette tribu, qui fait partie des six grandes nations iroquoises. Nous rencontrons Martin Akwiranoron Loft, l’un des responsables du centre, il prend le temps de nous guider au sein du petit musée qui est consacré à l’histoire de la communauté. Il nous explique qu’il y a 50 ans, 90 pour cent des habitants de la réserve parlait la langue mohawk. Aujourd’hui ils ne sont plus que 10 pour cent. Au sein de la réserve, l’anglais est davantage utilisé que le français. De nombreux mohawks ont travaillé aux Etats-Unis, ils ont contribué à construire les buildings des grandes villes et la communauté compte quelques milliers de membres dans l’état de New-York.
Dans le couloir du centre culturel, je suis saisie par un portrait représentant un chef Mohawk en 1710. » C’est une pièce de collection « , explique Martin.
Nous découvrons aussi le travail d’une jeune artiste locale, Margaret. Ses tableaux représentent les différents clans mohawks : les clans de l’ours, de la tortue et du loup. Elle nous explique que le clan est transmis par la mère. La société mohawk est une société matrilinéaire. Les femmes y jouent un rôle central. Voici quelques-unes des toiles exposées par Margaret.
Au sein du musée , nous découvrons également des photos datant du début du siècle dernier et représentant des familles mohawks.
Martin nous explique que dans sa culture il est important de remercier. Une prière commence toujours par une pensée de gratitude. Il poursuit en nous disant que lui-même remercie chaque matin le soleil de briller. Les amérindiens se sentent reliés très fortement à la nature. Il continue en nous narrant le mythe de la création du monde, à travers la légende de la femme tombée du ciel. The skywoman.
Voici ce que révèle la légende.
« Il y a très longtemps, il y avait un monde du ciel peuplé des gens du ciel. Un grand arbre fournissait la lumière au Monde du Ciel. Il était formellement interdit de blesser cet arbre qui illuminait le Monde du ciel. Une jeune femme du ciel qui était enceinte persuada un jour son mari de creuser autour des racines de l ‘arbre. La femme du ciel se pencha pour regarder dans le trou et plus bas, elle vit un autre monde recouvert d’eau. La femme du ciel tomba dans le trou vers le monde du dessous.
Un aigle qui volait en altitude la vit tomber et avertit rapidement les autres oiseaux, qui s’élevèrent rapidement pour attraper la Femme du ciel. Ils demandèrent à la tortue géante s’ils pouvait la poser sur son dos. La femme du ciel dansa 13 fois autour de la tortue , à chaque fois la tortue grandit jusqu’à ce qu’elle devienne un continent entier. La tortue est aujourd’hui le symbole de l’Amérique du Nord pour les amérindiens.
La femme du ciel donna naissance à des jumeaux. Le premier né était le Bon Esprit. L’autre jumeau causa la mort de sa mère et devint l’Esprit du Mal. Le bon Esprit pris la tête de sa mère et l’ accrocha dans le ciel, ce qui forma le soleil. Le mauvais jumeau façonna les étoiles et la lune à partir du corps de sa mère. Il enterra les parties restantes de la Femme du Ciel sous la terre. C’est ce qui explique que les êtres vivants peuvent toujours trouver de la nourriture dans le sol de la Terre-Mère. Le bon jumeau se mit à créer les bonnes créatures de la Terre. Son frère fit l’inverse. Quand le premier créa les roses, le second créa les épines. L’un devint le maître du Jour et l’autre le maître de la Nuit. Mais tous deux sont nécessaires à un monde équilibré. »
Cette histoire m’a vraiment enthousiasmée. Tout simplement car elle met l’énergie féminine au coeur de tout ce qui existe, personnellement, je trouve cela très poétique.
Il arrive que nous ayons une sorte d’impulsion à vouloir faire quelque chose, sans vraiment comprendre pourquoi. On nous a appris à ne pas écouter cette impulsion irrationnelle. Qui sait si elle ne nous conduirait pas à notre perte ?Je crois pourtant qu’il n’y a rien de plus efficace que de se faire sa propre opinion en explorant soi-même le monde avec un regard bienveillant.
Avoir un regard bienveillant, permet à l’autre d’offrir le meilleur de lui-même.
Je suis également persuadée qu’on peut transcender les conflits du passé grâce à la valorisation de l’art et de la culture. L’art et la culture c’est ce qui révèle l’âme d’un peuple. Quand on commence à s’intéresser aux traditions, à la vision du monde de l’autre, aussi différente soit-elle de la nôtre, on commence à le comprendre et on peut alors commencer à dialoguer, à partager. On se rend compte alors que si notre rapport au monde est différent, nous cherchons tous la même chose : la reconnaissance, la paix, le bonheur. Je rêve parfois d’un monde où l’on porterai davantage attention à ce qui nous unit plutôt qu’à ce qui nous divise et où on encouragerait les rencontres interculturelles.
J’aime regarder ce qu’il y a de meilleur chez l’être humain. Et vous savez quoi ? Quand on commence à faire cela, je vous garantis qu’on se sent chaque jour plus heureux.
Je remercie les mohawks que j’ai rencontré pour leur accueil ! Je remercie la petite voix qui m’a conduite jusqu’à eux. Et je remercie mon amie Suzie de m’avoir suivie dans cette expédition.
La vie est un voyage chers fidèles lecteurs, votre boussole, c’est votre intuition. Votre passeport, c’est votre sourire. Ce qui compte ce n’est pas la destination. C’est le voyage. Nous sommes tous des explorateurs.
Liens pour aller plus loin :
Le musée canadien des civilisations
La spiritualité autochtone à l’Université du Québec à Montréal