» Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux »
Marcel Proust
Cette porte colossale ouverte sur la mer est sûrement tout ce qui reste des festivités autour de la fin du monde prédit par le calendrier maya en décembre 2012. Sur cette plage de Playa del Carmen, située environ à une heure de route de la ville de Cancun, au Mexique, le renouveau a pris la forme d’une rencontre entre un homme et une femme. J’y vois l’alliance des forces contraires qui nous habitent. L’alliance de la raison et de l’intuition. J’y vois aussi une sorte de portail qui s’ouvre sur un nouveau monde unifié. Si j’en crois la pancarte explicative qui se trouve à proximité de cette superbe sculpture, le nouveau cycle dans lequel va s’engager l’humanité devrait favoriser l’émergence d’un nouveau paradigme. La bienveillance, l’ouverture, la confiance, l’esprit de collaboration prendraient peu à peu le dessus sur la peur, le repli, la méfiance et l’esprit de compétition. L’individualisme actuel pourrait mener à une joyeuse responsabilisation personnelle plutôt qu’à un égoïsme funeste, basé sur la crainte.
Que ces prédictions soient exactes ou totalement utopiques, m’importe peu au fond. Elles m’inspirent. Les crises individuelles et collectives que nous traversons nous poussent de toute manière à changer : de regard, de valeurs, de façon de penser. Chaque être humain qui devient plus conscient de lui-même participe à la transformation du monde. C’est en nous reconnectant avec nos aspirations profondes et à notre propre vérité que nous pouvons redonner du sens à nos existences. Encore faut-il réussir à se trouver et à se re-connaître derrière la couche épaisse de nos peurs et de nos conditionnements. Heureusement, le voyage, parce qu’il nous pousse à laisser nos repères rassurants derrière nous et parce qu’il ouvre un champ d’horizons nouveaux, peut agir comme un magnifique révélateur de soi.
Me voilà donc au Mexique, en terre maya, à la recherche de sérénité, de soleil et de rencontres inspirantes. Je rejoins des amis qui y vivent. Maria et Jean-Claude. Il y a 10 ans, je les ai rencontré à Cuba. Notre amitié est née d’un concours de circonstances totalement improbable. Maria tenait alors une chambre d’hôte, j’étais sa cliente. Deux jours après mon arrivée, je la revois ,affolée, me demandant ce que j’ai prévu ce matin-là. J’ai alors levé les yeux de mon livre, étonnée. J’apprends qu’elle doit ce marier avec Jean-Claude, un français rencontré à La Havane, mais son témoin, vient d’avoir un empêchement de dernière minute, elle me demande donc de le remplacer au pied lever, tout simplement, parce que je suis là et cette perspective m’enthousiasme. Je n’hésite pas. Je dis oui avec un grand sourire. Et c’est ainsi que je suis devenue par pur hasard la marraine de leur histoire d’amour. 10 ans plus tard, ils sont toujours amoureux comme au premier jour et les revoir au Mexique, est source d’une grande joie pour moi. Les hasards de la vie me surprendront toujours. C’est cela la magie des rencontres. C’est cela la puissance de l’instant présent.
Bien sûr, la mer des caraïbes offre ici des plages stupéfiantes, mais ce n’est pas cela qui me ravit le plus. Ce qui me bouleverse, c’est la lumière. Les rayons du soleil semblent ici éclaircir vos pensées et les nettoyer avec patience et affection. Je comprends mieux pourquoi les mayas vouaient un culte à cet astre majestueux. Ce peuple avait fait de l’ astronomie une science essentielle et la lecture du ciel avait une grande importance dans la vie quotidienne. Je découvre tout cela à Tulum, un site archéologique situé à une heure de la maison de mes amis. Cette ancienne citée maya fondée en 564 après JC était une ville dédiée à la planète Vénus. Tulum est l’une des premières villes mayas découvertes par les conquistadors espagnols au 16ème siècle. Elle surplombe la mer du haut d’une superbe falaise. La ville baigne dans le ciel. C’est un lieu magique.
Les ruines de Tulum sont très visitées, les touristes y viennent en nombre. J’aurai aimé avoir ce lieu, rien que pour moi. Passer une nuit, au coeur de ces vieilles pierres. Il y a dans ces vestiges du passé, quelque chose de sacré. Je me suis sentie là-bas comme chez moi. J’ai aimé arpenter les allées, me reposer à l’ombre de ces arbres aux fleurs rose fuschia dont je n’ai pas retenu le nom mais dont les effluves délicates ont envoûté chacune de mes cellules. Dans cet endroit, la beauté de la nature a la douceur d’une caresse. Et les caresses réveillent toujours l’enfant en nous qui a soif d’émerveillement. Si vous êtes capables de vous émerveiller devant un arbre ou une fleur, alors réjouissez-vous. Vous venez de recontacter une ressource intérieure inestimable qui a les traits d’un petit garçon ou d’une petite fille aux grands yeux curieux.
Moi qui venait chercher de la sérénité, j’ai été exaucée. J’ai été baignée dans un environnement qui ne connaît pas le stress. Cela ne signifie pas que la vie est facile pour tout le monde évidemment, dans ce pays. Le Mexique connaît des problèmes économiques et sociaux, la précarité est présente, tout comme la corruption et la violence. Les apparences du paradis cachent des réalités souvent complexes, mais si je m’en tiens à mon ressenti, il y a quelque chose dans l’air du Yucatan qui nourrit l’âme. Une énergie particulière qui vous enveloppe et dénoue tous vos noeuds.
On peut voyager avec la tête. » Faire » un pays. J’ai réappris à voyager sans but, sans pression, sans aucune autre intention que de me reconnecter à ce qui est autour de moi dans l’instant. Chaque jour s’écoulait avec paresse. J’ai perdu la notion du temps. J’ai oublié qu’il faudrait rentrer un jour. J’ai fait de jolies rencontres. J’ai goûté à des plats savoureux. J’ai failli mourir immolée après avoir avalé par mégarde une sauce au « chile morita ». J’ai ri avec une vieille femme sans comprendre toujours ce qu’elle me disait. Je me suis baignée dans une eau délicieusement chaude. J’ai admiré un ciel étoilé tellement vaste que j’ai cru m’y perdre. J’ai accueilli tous ces moments précieux avec la gratitude d’un nouveau-né qui est déposé pour la première fois sur le sein de sa mère.
Ah que c’est facile d’être heureux, au paradis ! La gratitude vous transporte alors dans un état de joie qui semble alors indestructible.
Mais il a bien fallu rentrer. Quitter cette parenthèse enchantée. Revenir à la réalité parisienne. Au ciel gris et aux gens pressés.
Bizarrement, c’est à mon retour que j’ai compris une chose essentielle, quand la nostalgie s’est immiscée en moi, quand j’ai commencé à me dire, que non vraiment, là-bas c’était mieux qu’ici. C’est à ce moment que j’ai réalisé que ce voyage ne servirait à rien, si je n’étais pas capable de conserver un regard curieux et émerveillé, dans mon quotidien, si je n’arrivais pas à ressentir de la gratitude dans ma vie de tous les jours. Le soleil brille aussi à Paris, après tout. Moins souvent, certes. Mais il brille quand même.
Le moment présent, quelque soit le lieu où nous nous trouvons, est la seule chose qui nous appartient vraiment. A chaque minute, je peux choisir, de m’ouvrir ou de me fermer aux autres, de me plaindre ou de me réjouir, d’avoir peur ou de rester confiante. Cela ne dépend que de moi.
J’ai compris que le monde extérieur n’est au fond que la projection de mon propre monde intérieur. Si je suis détendue, je suis plus présente à ce qui se passe autour de moi. Si je suis ouverte, je fais des rencontres improbables. Si je suis curieuse, je découvre de nouvelles choses passionnantes. Si je suis sereine, j’apprécie la beauté qui m’entoure.
Le défi, sera donc maintenant de garder mes yeux ouverts et de continuer le voyage, où que je sois, avec la même énergie, avec la même quantité de lumière. C’est notre regard qui éclaire la beauté du monde. C’est notre état d’ouverture et de réceptivité qui crée l’espace favorable aux rencontres bienveillantes. Ne l’oublions pas.
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