Un rêve en marche !

 » Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie. »

Johann Wolfgang von Goethe

Photo : Anne Jutras

Photo : Anne Jutras ( Québec )

Il arrive parfois que les épreuves agissent comme des transformateurs. C’est ce que j’ai appris grâce à Nathalie.

Nathalie a 44 ans. Il y a encore quelques mois, elle dirigeait une entreprise commerciale, dans l’Ouest de la France. Un licenciement économique a mis fin à une vie bien réglée depuis de nombreuses années. Perdre son emploi est une épreuve pour la plupart des gens. Nathalie en a fait une opportunité. Elle en a profité pour faire le point sur sa vie et sur ses véritables envies. C’est au cours d’une formation en développement personnel qu’elle découvre qu’un rêve endormi depuis de longues années était prêt à être réveillé.

Aujourd’hui, Nathalie s’apprête à suivre des cours de comédie. Son objectif ? Ecrire des sketches. Monter sur les planches. Faire rire. Un virage à 180 degrés pour être enfin en accord avec elle-même.

Voici donc l’histoire d’un changement de vie. Voici l’histoire de Nathalie.

Source : internet

Source : internet

J’ai rencontré Nathalie par l’intermédiaire d’une amie, Emmanuelle. Emmanuelle a vraiment le don de me mettre en relation avec des personnes au parcours de vie atypique. Il faut dire qu’elle voit avec une facilité déconcertante le mécanisme d’excellence de chaque personne qu’elle croise. Quand elle m’a parlé de Nathalie, elle m’a juste dit : «   Elle veut faire du one-man show. Un jour tu verras, elle fera l’Olympia ! ». J’avoue que sur le moment, je suis restée perplexe. Qui pouvait bien être cette femme qui avait décidé de suivre une voie aussi improbable qu’excitante ?

Un rire communicatif. Des yeux qui pétillent. Des cheveux blonds coupés courts. Des rondeurs harmonieuses. Une parole franche et un ton gouailleur. Voilà ce que je perçois de Nathalie lorsque je la rencontre pour la première fois. Nathalie ne mesure pas plus d’un mètre soixante, mais elle occupe l’espace avec une aisance qui me fascine.  Elle s’apprête à passer une audition dans une école de théâtre parisienne. Cela fait plusieurs semaines déjà qu’elle se prépare à intégrer cette école. Elle a écrit un sketche, l’a répété devant ses amis, devant des inconnus à une soirée, à la piscine où elle nage deux fois par semaine. Cette audition, c’est un premier test, une première confrontation entre son rêve et la réalité. Elle se dit sereine, confiante.  Elle parle de son objectif comme d’autres parlent de leurs prochaines vacances, avec ce détachement et cette assurance qu’ont les gens qui savent exactement où ils vont. Ce n’est pas juste de la détermination, c’est bien plus que ça. C’est de la cohérence. Un alignement parfait entre les multiples facettes du « Soi ».

L’exploratrice que je suis a besoin de creuser plus profond pour comprendre ce qui peut bien pousser une femme de 44 ans, mère de deux enfants, ancienne dirigeante de différentes structures commerciales  à faire le choix de suivre un chemin que la plupart des gens qualifierait d’impossible et de totalement déraisonnable.

N’est-elle pas en train de poursuivre une chimère  ? La question méritait d’être posée. Nathalie ne l’a d’ailleurs pas esquivée. Et c’est ce qui fait tout l’intérêt de notre échange, qui s’est déroulé quelques semaines après notre première rencontre.

De la raison à l’intuition : le parcours !

Premier constat. Nathalie est tout sauf une femme déraisonnable. C’est d’abord une tête bien faite. Quand je l’interroge sur son parcours scolaire, elle me lance dans un éclat de rire : «  J’ai Bac + 30 ! ». Elle n’est pas très loin de la vérité. Nathalie a en poche une maîtrise de Sciences Criminelles, une maîtrise de Droit des Affaires et du Patrimoine, un diplôme d’études approfondies en Droit Social. Pendant 10 ans, elle a même poursuivi un doctorat en Droit du travail : » J’ai fait du droit parce qu’on m’avait dit que c’était le domaine où il y avait le plus de débouchés« , m’explique-t-elle, pensive.

Ce parcours universitaire sans faute contraste avec le rapport qu’elle a longtemps entretenu avec  l’école  :  » Au collège et au lycée, j’étais bonne élève, mais j’avais du mal à m’adapter au système éducatif. J’avais des difficultés relationnelles. Je dépensais une énergie folle à m’adapter aux autres » , se souvient-elle. Très vite, l’humour devient une stratégie, pour cacher sa timidité, pour créer du lien  :  » J’avais du mal à me conformer au système. C’était ma manière de survivre dans ce milieu hostile ». Elle marque une pause et poursuit :  » En fait, j’ai vraiment commencé à m’épanouir quand je suis arrivée à la Fac ». L’Université va la réconcilier avec l’effort. Elle passera ses examens haut la main.

Parallèlement à ses études universitaires, Nathalie est surveillante dans un lycée. C’est à cette période que son amour des planches va se dévoiler. Elle organise des activités artistiques pour les élèves. Elle se met au gospel, créé des spectacles. Sa créativité est stimulée.  Elle finit par intégrer une troupe de théâtre amateur. La scène agit sur elle comme un catalyseur. «  Souvent, je jouais dans des pièces et je me retrouvais à devoir improviser car il y avait des problèmes inattendus. Par exemple, un jour j’ai craqué ma robe au moment de m’asseoir dans un canapé. C’est comme si j’attirais malgré moi les situations comiques. J’adorais ces moments de liberté joyeuse « , sourit-elle.

A la fin de ses études, Nathalie choisit le secteur des ressources humaines.  Une opportunité se présente et elle est amenée à prendre des responsabilités. Le challenge la ravit. Elle découvre qu’elle aime organiser, bâtir et manager une équipe. Mais elle fait les choses à sa manière. Avec humour, dérision et légèreté.  Une façon d’être qui détonne et qui ne plaît pas forcément à tout le monde. Les personnes qu’elle encadre ne comprennent pas toujours cette façon de travailler : » « En France, un patron cool et drôle, ça ne passe pas toujours, même auprès des salariés. Moi, je ne pouvais pas travailler sans humour. Pour moi c’était vital. Cela permet de lâcher prise sur le stress lié aux délais, aux objectifs. J’étais une directrice un peu atypique, un peu rebelle « .

Nathalie  suit donc un parcours en entreprise tout à fait classique. Elle relève les défis. Mais une fois les objectifs atteints, elle s’ennuie. Entre temps, elle est devenue mère de famille. Une vie tellement bien remplie qu’il n’y a plus de place pour le théâtre dans son emploi du temps surchargé.

Et puis, en septembre 2012, un licenciement économique vient mettre fin à cette vie confortable et bien réglée. C’est d’abord un choc, mais Nathalie l’assure, cette épreuve a été une chance : «  Sur le moment, un licenciement , tu le vis comme un échec, voire un rejet. Mais je me suis dit très vite que si cela arrivait c’était parce que quelque chose de mieux m’attendait. Sans savoir quoi précisément, d’ailleurs. Dans la vie, on a toujours deux solutions : soit on reste dans la galère, soit on fait le bilan et on se concentre sur ce qu’on veut « , m’explique-t-elle.

Le déclic !

Nathalie ne se laisse pas abattre. Une fois licenciée, elle fait le bilan de ses compétences et souhaite mettre à profit ses années d’expérience dans le milieu de la formation. Elle décide de se former à la PNL, une discipline d’accompagnement au changement dans le but d’aider des chefs d’entreprise à mieux communiquer. Au cours de cette formation en PNL, Nathalie travaille d’abord sur elle. C’est le principe du développement personnel, il faut tester sur soi-même les outils qu’on va ensuite enseigner à d’autres. Au fil des jours, Nathalie découvre avec étonnement, de nouvelles parties d’elle-même. Une aspiration négligée par le passé est en train de se rappeler à elle, par surprise.

 Elle découvre alors que ce qu’elle aime, c’est monter sur scène et faire rire. L’humour a toujours été son moteur. Et elle commence à imaginer son avenir avec des pinceaux tous neufs. Une image s’imprime sur la toile : elle veut créer et jouer ses propres spectacles.

« A 40 ans tu fais le bilan de ta vie, et tu sais que tu es à mi-parcours. Tu sais qu’il te reste peut-être 40 ans à vivre. Le temps passe. Je me suis dit que je voulais  faire de ce temps là quelque chose de bon pour moi« , médite-elle ,tout haut, pour expliquer ce qui a au fond motivé sa quête.

Quelques années auparavant  les questions du sens de la vie avaient déjà frappé à la porte de son esprit confus, sans pour autant apporter de réponses précises.

« A l’époque, je  traversais une crise sentimentale. Mon meilleur ami m’avait alors offert un livre  » L’homme qui voulait être heureux  » , de Laurent Gounelle », relate-t-elle.  Ce livre agit  alors comme un révélateur : «  Après avoir achevé ce livre, je me suis dit que moi aussi j’avais droit au bonheur », précise Nathalie.  Elle ne sait pas encore comment y arriver. Mais la certitude qu’elle y a droit s’ancre tranquillement au fond de son coeur. Une première prise de conscience qui se renforce après son licenciement : » J’ai été gentille pendant 40 ans. J’ai fait ce qu’on attendait de moi.  Quand j’ai perdu mon boulot, je me suis dit qu’à présent, je voulais juste être moi ».

 » Vais-je y arriver ? « 

« Tout est allé très vite. J’ai suivi ma formation en PNL en septembre 2012 et en février 2013, je commençais à me frotter au réel pour voir comment je pouvais concrétiser ce désir de devenir comédienne et de faire rire. J’ai commencé par contacter des gens qui étaient arrivés là où je voulais aller. On m’a parlé d’une école de one man-show à Paris. J’ai postulé. Pour y entrer, il fallait d’abord réussir l’épreuve de l’audition « , raconte-t-elle. Elle poursuit :  « J’ai travaillé mon sketche. Je l’ai répété plusieurs fois devant différentes personnes.  Je savais bien qu’on ne me raterait pas. Dans cette école, les élèves ont une vingtaine d’années. J’ai dit au directeur :  » A mon âge on fait ça parce qu’on est plus que motivée. C’était un peu l’heure de vérité. J’allais me confronter pour la première fois à des professionnels ».

Sa motivation paye. Quand elle monte sur scène, le jour de l’audition, elle se sent dans son élément. Elle est bien. Elle se dit que si cela ne marche pas, d’autres portes s’ouvriront ailleurs. Elle a préparé ce moment avec application. Et le résultat est à la hauteur de son engagement et de son détachement. Elle est prise.

C’est loin d’être un aboutissement, d’ailleurs. C’est juste le début d’une aventure dont Nathalie ne connaît  pas l’issue. » Est ce que ça va marcher ? Je ne sais pas. Je sais que le métier de comédien est un métier difficile, mais je sais qu’en allant au bout de ce chemin, je n’aurai pas de regrets, je sais qu’il m’emmènera quelque part, quoi qu’il arrive. Et puis, je veux aussi montrer à mes enfants que ça vaut la peine de se donner les moyens de réaliser ses rêves« , explique Nathalie.

Et maintenant ? Très concrètement,  4 jours par semaine, pendant un an, elle va rejoindre Paris pour faire ce qu’elle aime, tout en continuant à travailler parallèlement dans le secteur de la formation. Elle est prête, me dit-elle à relever le défi.

D’où lui vient cette assurance ? Comment peut-elle savoir que tout ceci n’est pas une illusion d’optique ? Nathalie prend une courte inspiration et développe sa réflexion : « Tu sais, je me suis combattue pendant des années. J’ai fini par accepter mes défauts, mais le plus dur a été d’accepter mes qualités et d’entendre que j’étais quelqu’un de bien, et que je méritais la vie dont je rêvais. La confiance, c’est facile de l’avoir quand tout va bien. Je ne sais pas où je vais, mais je sais que j’ai assez confiance en moi aujourd’hui pour y aller quand même. Je me connais suffisamment. C’est l’avantage de la maturité.  J’ai acquis une sécurité intérieure. Faire rire, c’est vraiment ce qui me fait vibrer. Je ne me suis jamais sentie aussi bien que sur scène. Je donne et je reçois. Mon objectif est d’apporter de la légèreté aux autres. C’est une manière de donner de l’amour ».

Et si cela ne marche pas ?

La perspective d’un échec n’est pas à exclure. D’autres rêves précieux se sont déjà heurtés au mur du réel, avec violence, éclatant en mille morceaux. Nathalie le sait bien. Elle est consciente que le chemin qu’elle poursuit peut ne pas aboutir à la destination qu’elle imagine.  » Je sais bien que je peux échouer, mais je me dis que quoi qu’il arrive cette expérience me sera utile. Peut-être que mon désir de faire rire prendra finalement une autre forme, peut-être que je ne monterai pas sur scène, que je ne finirai pas comédienne, mais je sais que je ferai quelque chose de tout ça. Ce n’est pas du temps perdu. Il faut aussi savoir être flexible, suivre les opportunités qui se présenteront. Pendant des années, je suis entrée dans le moule.  Aujourd’hui j’ai envie de casser tout ça. Quand on me dit que ce que je m’apprête à faire c’est de l’inconscience, je n’écoute pas. J’évite les ondes négatives, car ceux qui me connaissent  savent que lorsque j’évoque mon projet, je suis dans ma vérité. Ma famille, mes amis, m’encouragent. Pour eux, c’est évident, je suis dans mon élément. Pour avancer, il faut aussi savoir s’entourer de personnes qui croient en toi  . « 

Qu’est-ce qui a vraiment changé au fond entre la Nathalie d’avant et celle d’aujourd’hui ? :  » Avant, j’avais toujours besoin d’obtenir la validation des autres pour faire quelque chose. J’attendais qu’ils me disent ce qui était bon pour moi. Aujourd’hui, je sais que la seule personne qui sait ce qui est bon pour moi, c’est moi ! « , conclut-elle.

Au fond, c’est cela une révolution intérieure. Changer de point de vue sur soi-même, découvrir son potentiel inexploité, apprendre à s’écouter, à se faire confiance et avancer. Pas à pas. Sans savoir où ce chemin  mènera.

Tout processus de transformation intérieure comporte des étapes, mais aussi une part de mystère. La chenille ne sait pas quelles fleurs elle va butiner une fois devenue papillon, mais elle sait que viendra ce moment, où elle s’enroulera dans son cocon, pour ensuite éclore à une vie nouvelle. Cela fait partie de son chemin. C’est écrit dans ses gènes.

 » Notre destination n’est jamais un lieu, mais plutôt une nouvelle façon de regarder les choses « , écrit l’auteur américain, Henry Miller.

Grâce à Nathalie, je viens de comprendre la puissance de cette inspiration. Alors, aujourd’hui, j’ai juste envie de lui dire :  » Merci « !

©larevolutioninterieure.com

PS : Merci à la formidable photographe québécoise Anne Jutras pour avoir encore une fois accepté de collaborer à ce blog  !

Ce qui ne nous tue pas nous rend-il vraiment plus fort ?

 » Prenons le risque de vivre car c’est bien de risque qu’il s’agit : celui d’aller vers la lumière et de faire la lumière sur ce que nous ne voulons ni voir, ni savoir « .

Catherine Bensaïd, psychothérapeute française

Photographe : Anne Jutras

Photographe : Anne Jutras

 » Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort ».

J’avoue que pendant longtemps cette phrase m’a laissée perplexe. Je la trouvais presque incongrue. Comment pouvait-on se sentir plus fort après avoir été confronté au deuil, à la maladie, à la souffrance ? Non vraiment, cette phrase avait bien du mal a sonné juste en moi.

Jusqu’au jour où j’ai rencontré Cécile, par l’intermédiaire d’une amie commune. C’est elle qui m’a révélée toute la profondeur qui se cachait derrière les mots de Nietzsche.

Cécile est une femme rayonnante de 43 ans, mère de trois enfants. Difficile en la regardant d’imaginer qu’elle revient de si loin.

Comme une femme sur huit en France, le cancer du sein est entré par effraction dans sa vie alors qu’elle n’avait que 28 ans. Une récidive, douze ans plus tard a totalement changé sa conception de l’existence. Touchée au coeur de sa féminité, elle a traversé des déserts de souffrance avant de renaître à elle-même, il y a seulement quelques mois.

Elle a accepté de me confier son histoire et je l’en remercie.

Voici donc l’histoire d’une reconstruction extérieure et intérieure.

Voici l’histoire de Cécile.

Photographe: Isabelle Debraye

Photographe: Isabelle Debraye

 Le cancer, de mère en fille 

« J’ai développé un cancer du sein, très jeune. J’avais 28 ans. Cela a été un choc pour moi, car deux ans auparavant, c’est ma mère, qui était touchée « , raconte Cécile d’une voix calme. « Heureusement la maladie a été détectée assez tôt j’ai donc été très bien prise en charge. J’ai suivi les traitements classiques et j’ai guéri sans problème particulier. J’ai eu trois enfants, sans complications. J’étais suivi de près par mon médecin », poursuit-elle.

Pendant douze ans le crabe va se tenir à distance. Douze années où Cécile va continuer sa vie au rythme des contrôles médicaux, toujours rassurants. Elle travaille dans l’industrie pharmaceutique, où elle occupe un poste de déléguée médicale. Des médecins, elle en voit tous les jours. Elle a l’habitude. Cécile aime son travail, elle s’entend bien avec ses collègues et son manager. Un état de grâce professionnel qui ne va pas durer longtemps.  Au fil des mois ses relations avec son supérieur hiérarchique se dégradent.  » Il  nous faisait faire des choses qui allaient contre notre éthique « , explique Cécile. L’ambiance est pesante et commence à influer sur sa santé : » J’étais constamment fatiguée à cette époque. J’ai eu des problèmes d’équilibre, on me disait que c’était à cause que d’ un virus. Avec le recul, je me demande si je n’étais pas déjà en train de tanguer dans ma vie « , se souvient-elle.

Cécile décide alors de suivre des formations pour changer d’air. Elle rêve de devenir formatrice. Mais en 2008, l’ombre de la maladie plane à nouveau sur sa vie. Elle apprend que sa mère fait une récidive.  » Cela m’a secoué. Lorsque j’ai appris la nouvelle, le soir en rentrant chez moi , je me suis effondrée en larmes.  Je me disais, si cela m’arrive, je ne le supporterais pas. Un an après c’était mon tour « , lance-t-elle, dans un murmure. » Cela m’a anéantie, je me suis sentie comme anesthésiée. Je savais ce que cela signifiait. Tout comme ma mère, j’allais devoir subir une mastectomie. Ma féminité était touchée en plein coeur. Il n’y avait pas d’autres solutions, je le savais. C’était l’amputation ou la mort ».

Cécile décide alors de se faire opérer par le même chirurgien que sa mère. Cette dernière vient de bénéficier d’une reconstruction mammaire avec succès. C’est alors que va débuter un long et douloureux combat. Comme ce palmier, elle va résister à un interminable hiver avant de pouvoir enfin retrouver sa place au sein d’un oasis verdoyant.

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Le combat commence 

«  Je ne suis pas restée abattue très longtemps. La maladie vous oblige à être dans l’action. Il y a plein de choses à faire, les rendez-vous chez le médecin, les radios, les contrôles. C’est plus compliqué pour l’entourage. Mes proches , mes amis, ma famille étaient eux très inquiets« , explique Cécile.

Son cercle relationnel se restreint, le cancer repousse comme un aimant de nombreuses connaissances. Elle doit aussi faire face aux propos maladroits des uns et des autres. L’institutrice de son fils , par exemple. Lorsqu’elle lui explique sa situation, cette dernière lui renvoie d’un air effrayé cette phrase qui la touche en plein coeur : « Vous allez vous en sortir ? ». Cécile n’en sait rien. Mais elle y croit.

Au travail, elle s’accroche tant bien que mal. Au fil de mois, elle apprend que deux autres de ses proches collègues ont eux aussi développé un cancer. « L’un d’entre eux en est mort, cela a été un vrai choc, d’autant qu’il ne nous a rien dit pendant très longtemps. Il avait à peine 40 ans « , relate-t-elle.

Le jour de la mastectomie, tout se passe bien. Elle gère la douleur comme elle peut et pense déjà à la prochaine étape. Très vite, elle insiste auprès du chirurgien pour qu’il lui installe une prothèse rapidement.  » Je voulais  retrouver ma féminité pour mes 40 ans « , sourit-il. Mais un obstacle va  bouleverser tous ses plans. A l’issue de cette seconde intervention, Cécile fait une septicémie : «  Mon corps était en train de lâcher, je n’arrivais plus à respirer, je me suis vue mourir. Le médecin n’a pas eu d’autre choix que de retirer la prothèse, ce que je refusais violemment « .

Elle se retrouve alors en soins intensifs, isolée du monde pendant trois semaines. Elle n’a pas droit aux visites. Son fils a contracté à la grippe A et son organisme fragilisé ne supporterait pas d’être au contact d’un quelconque germe. Elle n’arrive plus à distinguer le jour de la nuit. Ses journées sont rythmées par les soins des infirmières. Elle distingue à peine leurs yeux derrière leurs combinaisons d’astronautes. Seule face à elle-même, des pensées vont émerger :  » J’ai eu le temps de réfléchir sur moi, c’est certain. La seule chose qui revenait sans cesse dans mon esprit, c’était mon rapport avec ma mère. J’ai réalisé que nos histoires communes avec le cancer n’étaient pas anodines. Il fallait que je coupe le lien qui m’emprisonnait à sa propre souffrance. Vous savez, j’ai perdu mon père à l’âge de 14 ans et j’ai pris naturellement toutes les responsabilités à partir de ce moment là.  Je me suis dit alors que je ne voulais plus être la mère de ma mère et en même temps une partie de moi avait peur d’être rejetée « , poursuit-elle.

Photographe : Sunshine

Photographe : Sunshine

Une reconstruction intérieure et extérieure

Cécile finit par être hors de danger, mais en raison des complications qui sont intervenues, son chirurgien refuse de l’opérer à nouveau, pour lui installer une nouvelle prothèse. Elle ne baisse pourtant pas les bras. Elle toque à la porte de cinq médecins, tous lui expliquent que les risques sont trop élevés.  » C’est dur de se faire ainsi rejeter par le corps médical. Cela a été terrible de ne pas avoir été entendue », poursuit Cécile.

Elle est au bord du désespoir, lorsqu’elle rencontre enfin le chirurgien qui lui rendra son intégrité physique et morale. A l’évocation de cet homme, Cécile ne peut retenir ses larmes.  » C’est un médecin brillant qui est vraiment dans l’empathie. Il m’a écouté et surtout il m’a fait confiance. Nous avons vraiment travaillé ensemble à ma reconstruction. L’opération s’est très bien passée. Il m’a sauvé corps et âme« , explique -t-elle, submergée par l’émotion.

Aujourd’hui cette épreuve appartient au passé. Cécile a repris une vie normale mais elle est différente.  » Je me sens aujourd’hui beaucoup plus forte, c’est vrai. Moi qui pourtant n’avait pas vraiment confiance en moi. Je sais me dire aujourd’hui que la vie est belle. J’ai décidé de m’entourer de gens positifs. Quand je me regarde dans le miroir, je me demande quelle personne je veux être. Je sais aujourd’hui que ce choix m’appartient « , sourit-elle, pensive.

Après avoir passé 20 années de sa vie dans l’industrie pharmaceutique elle a décidé aujourd’hui d’écrire une nouvelle page de sa vie professionnelle. Cécile a profité d’un plan de départ dans son entreprise pour mettre sur un pied un nouveau projet. Elle suit un master d’éducation thérapeutique et espère animer des ateliers pour aider le personnel soignant à mieux communiquer avec les malades.  » Mon expérience m’a démontrée que les professionnels de santé ne savent pas toujours trouver les mots pour parler de la maladie avec leurs patients. Leur langage est technique et pas toujours suffisamment humain. Une meilleure communication permettrait selon moi d’améliorer la relation entre le médecin et le malade. Le processus de guérison passe aussi par la qualité de cette relation ».

Il y a dans sa voix de la détermination et de la conviction. Une envie d’aller de l’avant et de faire de son épreuve quelque chose de constructif.  » Je souhaite que mon expérience serve aux autres », conclut-elle.

Je la regarde et j’ai le sentiment qu’un arbre vigoureux et bien vert s’est niché au creux de sa poitrine meurtrie. Il semble puiser sa force dans la source souterraine et profonde de son âme.

Frederike Nietzsche avait raison.

 Tout ce qui ne tue pas une femme, la rend vraiment plus forte.

©larevolutioninterieure.com

NDLR : Merci à Anne Jutras au Québec, à Isabelle Debraye en France et à Sunshine aux Etats-Unis d’avoir accepté de collaborer à cet article en m’envoyant leurs merveilleuses photos. Merci les filles ! Thank you girls !

Liens pour aller plus loin :

Une association française qui aide les femmes opérées d’un cancer du sein 

Une association de soutien psychologique qui aide les malades à Paris

La ligue contre le cancer en France

Un livre : Reconstruire sa vie après un cancer aux éditions Frison-Roche 

Le projet de Cécile vous intéresse ? Envoyez-moi un mail larevolutioninterieure@gmail.com. Je vous mettrai en relation avec elle !

Le mystère de l’intuition !

 » Intuition. Force mystérieuse qui explique pourquoi des hommes sans pensées, sans culture et sans aucun bagage que leur petite spécialité prennent spontanément la décision la meilleure. »  

Jean-Charles Harvey , journaliste et écrivain québécois

Artiste : Leah Piken Kolidas

Artiste : Leah Piken Kolidas

* N’hésitez pas à visiter la galerie virtuelle de l’artiste américaine Leah Piken Kolidas. Elle vit près de Boston. Son travail est sublime et inspiré ! A voir

Nous avons tous eu, à un moment ou à un autre, de l’intuition. Mais ne nous faisons pas toujours confiance à ces informations qui se manifestent en dehors de tout processus rationnel. L’intuition (mot issu du latin intuitum qui signifie regarder attentivement ) reste un mystère pour beaucoup d’entre nous, elle effraye, elle interpelle, elle questionne. Comment discerner l’intuition de l’imagination ? Comment mieux se servir de ses capacités intuitives pour réaliser ses objectifs ? Comment les cultiver  ? J’ai posé toutes ces questions à un homme qui a mis sa raison au service de son intuition depuis près de 20 ans.

Michel Giffard

Michel Giffard

Michel Giffard est l’auteur de  » Votre intuition au service du succès », publié aux Presses du Châtelet en 2009. Diplômé d’HEC, il a exercé différents postes à responsabilité au sein de grandes entreprises avant de s’intéresser au développement personnel. Il a passé plusieurs années en Afrique noire ( Tchad, Burkina-Faso, Côte d’ivoire ) où il s’est ouvert à d’ autres visions du monde.  Il dirige aujourd’hui  la filière executive coaching au sein du groupe HEC. Michel Giffard donne régulièrement des conférences sur l’intuition. Son public est large : il comprend des chefs d’entreprises, des consultants, des coachs, des directeurs en ressources humaines et des artistes.

 » On tient pour suspectes l’induction et l’intuition : l’induction le grand organe de la logique. L’intuition, le grand organe de la conscience « . Victor Hugo 

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Bonjour Michel Giffard. Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel. Comment est né votre intérêt pour l’intuition ?

– Je suis sorti d’HEC dans les années 70. J’ai travaillé ensuite en tant que contrôleur de gestion puis en tant que directeur financier dans des grandes entreprises. Dans les années 80, j’ai changé de métier et je suis devenu consultant en organisation, puis je suis devenu directeur des services informatiques chez Bulh SA.  En 1989, j’ai été licencié et j’en ai profité pour créer mon activité de conseil et de formation en management et en développement personnel. J’ai ensuite créé l’école de coaching d’HEC en 2002. Parallèlement à ce parcours professionnel au sein de l’entreprise, j’ai suivi une psychanalyse jungienne. Je me suis intéressé aux rêves et aux symboles. Dans les années 80, j’ai rencontré Alexandre Jodorowsky, c’est lui qui m’a ouvert de nombreuses portes, grâce à l’étude des tarots de Marseille. Les symboles me parlaient. J’ai approfondi mes connaissances sur les archétypes et j’ai appris à écouter mon intuition.

– Quelle est justement la définition de l’intuition ?

– Il y en a plusieurs. L’intuition, c’est d’abord la perception d’une information qui ne passe pas par le rationnel. Elle est soudaine et certaine, même si on ne peut pas la démontrer. L’intuition permet également de communiquer avec son inconscient ou celui des autres, par le biais des rêves par exemple.

-Qu’est -ce qui facilite cet état intuitif ?

-Ce qui facilite l’état intuitif c’est ce qu’on appelle l’état alpha. C’est un état intermédiaire entre la veille et le sommeil. On traverse tous cet état deux fois par jour : au moment de l’endormissement et juste avant le réveil. L‘état alpha est un état modifié de conscience. Les scientifiques ont démontré que ces ondes sont émises par notre cerveau lorsque nous sommes dans un état de détente. On peut donc développer son intuition en se mettant volontairement en état alpha. Par exemple en pratiquant le yoga, la relaxation, et même la course à pied. La méditation, les pratiques artistiques, une sieste, une simple promenade dans la nature mais aussi de profondes respirations favorisent également cet état.

Il faut comprendre que pendant le sommeil, nos défenses rationnelles sont plus faibles. La sagesse populaire nous révèle que la nuit porte conseil, de nombreux scientifiques  s’en remettent à l’intuition lorsqu’ils bloquent sur des problèmes. Dormir permet de se connecter avec son intuition, avec sa sagesse profonde.

– Comment se manifeste une information intuitive ?

-L’intuition, qu’on appelle souvent le 6ème sens, se manifeste curieusement à travers les 5 sens. Nous avons tous un sens dominant. Certains vont entendre des phrases, d’autres vont voir des images, d’autres encore vont ressentir des sensations physiques dans leur corps. Il faut donc apprendre à identifier l’information qui arrive par l’un de nos 5 sens et la valider, pour pouvoir s’y fier.

-Justement comment savoir que l’image, les mots ou les sensations que nous recevons relèvent de l’intuition et non pas de l’imagination ?

-Nous devons pour cela apprendre à nous écouter et à ressentir. Il faut bien comprendre également que si l’information qui arrive se révèle fausse alors c’est que ce n’était pas une intuition. Une intuition est toujours vraie, car c’est la meilleure partie de nous-même qui s’exprime par cette voie.

Pour identifier les messages intuitifs, il faut donc travailler d’abord sur ce que l’intuition n’est pas.

L’intuition, ce n’est pas une projection, c’est à dire le fait de projeter son monde intérieur sur les autres. L’intuition ce n’est pas non plus une émotion ( la peur par exemple ). Enfin, l’intuition n’est pas guidée par l’expérience, ce n’est pas parce que l’on a jamais fait quelque chose, qu’on ne peut pas le faire.

Il est donc très important d’apprendre à se connaître, de faire un travail personnel pour avoir sa propre grille de lecture. L’intuition semble être un outil trop facile pour certains, mais en fait son utilisation est difficile, car cela demande du courage. Le courage de travailler sur soi, de comprendre ses fonctionnements et ses schémas internes. Il faut d’abord réaliser un long travail de déconditionnement pour accéder à notre intuition.

– Votre livre est intitulé « Votre intuition au service du succès« . En quoi l’intuition est-elle pour vous la clé de la réussite ?

-Si vous discutez avec des personnes qui ont réussi leurs objectifs de vie, elles vous diront d’une part que rien n’aurait pu les empêcher de réaliser leurs désirs ou leurs idées et d’autre part, qu’elles se sont senties guidées par quelque chose : une conviction, une certitude, une foi qui s’inscrit parfois en dehors de toute logique. Le rationnel n’a jamais créé de nouvelles idées. Regardez les artistes, leurs oeuvres ne sont pas le fruit d’un long travail analytique, mais bien le fruit de leurs inspirations et donc de leur part intuitive. Einstein le premier a eu l’idée de la relativité en rêve avant de la démontrer rationnellement. A mes yeux, une personne qui ne sert pas de son intuition ne peut pas sortir du lot et obtenir ce qui lui convient dans la vie.

-Alors pourquoi en France en particulier, l’intuition est jugée moins fiable que la raison ?

-D’abord notre culture judéo-chrétienne a véhiculé l’idée que si quelque chose est facile, cela n’a pas de valeur. Il faut travailler dur pour réussir, gagner son salaire à la sueur de son front, enfanter dans la douleur. L’être humain serait sur terre pour souffrir. Si je vous dis que mon statut professionnel est le fruit d’une longue lutte et d’une longue réflexion, vous allez applaudir des deux mains, si je vous dis qu’au contraire ma position actuelle est le fruit d’intuitions, vous serez déstabilisée. Pourtant c’est bien le cas. Les choix que nous faisons et qui sont importants pour nous ne sont pas le résultat d’une longue réflexion. Quand vous tombez amoureux ou lorsque vous avez un coup de coeur pour une maison, ce n’est pas votre raison qui s’exprime, c’est votre intuition. Si votre relation s’avère un échec ou que des problèmes se succèdent dans votre maison, peut-être n’avez-vous pas alors suffisamment écouté votre intuition !

Ensuite, il y a des résistances liées à la construction de l’individu. A l’école on privilégie les capacités analytiques. Le système scolaire et l’éducation parentale n’encouragent pas l’enfant à développer son intuition. Pourtant avant 3 ans, les enfants sont très intuitifs.

Il faut admettre aussi qu’il y a eu certains abus, l’intuition a quelque chose de magique, certains en ont profité pour servir leur intérêt au détriment des autres.

Malgré tout aujourd’hui  les spécialistes en neurosciences nous indiquent que le cerveau droit est moins utilisé chez les occidentaux que le cerveau gauche. Pourtant le cerveau droit nous permet d’avoir une vision globale, il est créatif, il va vers le nouveau, le mouvement, il est à l’aise avec le changement, il est ouvert. Notre cerveau gauche en revanche est à l’aise avec les détails, le connu, le rationnel, il aime les catégories, il est plus fermé. Carl Gustave Jung ( 1875-1961) disait déjà que le cerveau gauche était le siège de la raison et le cerveau droit le siège de l’intuition. Nous devons apprendre à nous servir davantage de notre cerveau droit.

-Il est donc temps d’apprendre à faire davantage confiance à notre partie intuitive ?

-Oui, il est important de faire confiance à notre intuition, à condition de la fiabiliser. C’est en travaillant sur soi que l’on peut apprendre à faire cela. Et pour ceux qui doutent encore de l’ efficacité de l’intuition je proposerai cette citation d’Albert Einstein :  » Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel un fidèle serviteur. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et qui a oublié le don « .

Liens pour aller plus loin :

La voie du Tarot d’Alexandre Jodorowsky

Le site de Michel Giffard 

L’état alpha du cerveau

Un exercice audio pour contacter son intuition

Un livre : Les prodiges du cerveau

Le congé solidaire : l’expérience de Florence !

Florence Guimezanes

Florence Guimezanes revient du Népal. Cette jeune parisienne consultante dans un cabinet de conseil a passé trois semaines en septembre dernier auprès de jeunes femmes victimes de violences domestiques et de trafic humain à Katmandou.  Durant ce voyage peu ordinaire, organisé dans le cadre d’un congé solidaire, elle a animé des ateliers à vocation thérapeutique au sein d’une association locale Planète Enfants. Une expérience très riche qu’elle partage avec nous ici.

« Chacun de nous peut représenter une différence réelle et substantielle sur cette planète. En vous engageant personnellement dans une quête de la conscience, vous assumerez vraiment un rôle marquant dans la transformation du monde. »
de Shakti Gawain extrait de La Transformation intérieure

Un voyage solidaire

« Je n’ai pas le sentiment d’être partie en mission pour sauver le monde. J’avais juste envie de faire quelque chose à mon modeste niveau  » , résume-t-elle dans un éclat de rire. Florence est une jeune trentenaire. L’altruisme, l’empathie sont des valeurs qui ont du sens pour elle depuis toujours. Cela aurait pu rester de belles idées, mais la jeune femme  décide de défendre ces valeurs  en s’engageant dans des actions concrètes. Ses recherches sur internet la mènent alors sur le site de  Planète Urgence, cette association met en relation des volontaires potentiels avec des associations en quête de compétences dans des pays en voie de développement.  « En allant sur leur site, j’ai tout de suite accroché sur cette association au Népal qui proposait d’aider des femmes victimes de trafic et de violences domestiques « , relate-t-elle. Elle commence par faire le bilan de ce qu’elle a à offrir. Et son goût pour la danse et le théâtre s’est tout de suite imposé. « La danse est un bon moyen d’exprimer les émotions et de se réconcilier avec le corps. Je me suis dit que je pouvais animer des ateliers autour de cela. Cela a plu à l’association. Planète Urgence ne recherche pas forcément des experts de l’humanitaire mais plutôt des gens motivés qui ont envie de transmettre un savoir. Avant de partir on est formé pour bien avoir en tête notre rôle de volontaire au cours de la mission« , explique-t-elle. Florence signe une convention avec l’association et son entreprise. Elle partira  sur ses congés, elle sera logée et nourrie par l’association qui l’accueille et les frais de mission seront en partie pris en charge par son employeur : c’est le principe d’un congé solidaire. Le projet est bien avancé quand, au dernier moment, son entreprise renonce à financer le voyage de Florence, restrictions budgétaires obligent. Elle décide malgré tout de partir. Pas question d’abandonner ce projet. L’engagement pousse à ne pas reculer au premier obstacle. Et la voilà qui atterrit à Katmandou en septembre dernier, accompagnée d’une autre volontaire, Sybille, une architecte qui l’accompagne pour animer des ateliers d’arts plastiques au sein de la même association.

 » Au début c’était difficile, à cause de la barrière de la langue. La plupart des femmes du foyer ne parlaient pas anglais. J’ai un peu tâtonné « , raconte la  jeune femme.  » J’avais bien réfléchi à ce que je voulais faire avant de partir. J’ai passé du temps à préparer ma  mission en lisant des livres sur l’art -thérapie et en recherchant des musiques variées. Ne sachant pas comment ça allait se passer, j’ai prévu un large éventail d’activités pour pouvoir m’adapter et j’ai affiné mes ateliers une fois sur place. »

Florence  découvre alors la terrible condition des femmes népalaises :  » Une partie des femmes qui se retrouve dans ces foyers a été chassé par leur belle- famille et leur mari. Au Népal, une femme ainsi répudiée ne peut pas retourner chez ses parents. C’est culturel.  Elle est donc souvent livrée à elle-même, sans qualification et sans moyens de s’assumer seule. La prostitution est également très répandue. Elle est plus ou moins choisie. Cela permet à des filles issues des campagnes de gagner de l’argent et d’en envoyer sous couvert d’un emploi  » honorable  » à leur famille restée au village. Nombreuses sont celles aussi qui sont kidnappées ou trompées par de fausses promesses d’emploi et se retrouvent vendues dans des bordels en Inde ». Certaines de  ces jeunes filles viennent de régions éloignées, où les conditions de vie sont dures. Elles ne sont jamais allés à l’école, ne savent ni lire, ni écrire et certaines n’ont  jamais tenu un crayon de leur vie. Le contexte est donc délicat mais Florence décide de faire confiance à son intuition. Au fil des jours, grâce à des activités simples et ludiques, la jeune femme finit par tisser un lien avec ces femmes du bout du monde.

Elle réussit à décrocher les premiers sourires en leur faisant imiter des animaux et danser la Macarena.  » J’ai commencé avec des danses et des jeux de groupe pour stimuler l’énergie collective et travailler la coordination « , explique-t-elle. Peu peu Florence tente de nouvelles choses et propose des séances de plus en plus construites. « Je leur ai proposé, par exemple, de danser les yeux bandés pour travailler le ressenti. L’objectif était d’être en accord avec la musique tout en faisant abstraction du regard des autres. « 

Florence utilise aussi la danse libre et le yoga pour les amener à prendre conscience de leur corps et à lâcher-prise. « On sentait que les femmes victimes de violences  avaient du mal à assumer leur personnalité. Leur corps était fermé, les bras souvent croisés, le regard fuyant. C’est sans doute chez elles que, paradoxalement, j’ai pu observé le plus de progrès » , raconte la jeune volontaire.

Au fil des jours, Florence commence à voir une subtile transformation s’opérer dans l’attitude de ces jeunes femmes bléssées par la vie.  » Au bout de trois semaines, certaines d’entre elles étaient plus souriantes, moins agressives. L’activité de groupe les stimulait. Ces ateliers artistiques ont permis je crois, de libérer des choses. Et puis on a beaucoup ri ensemble. C’est sans doute ce que je retiendrais de ce voyage. Les moments de joie partagés ! »

Une petite goutte d’eau dans un océan de misère 

 » J’ai eu un grand plaisir à observer les  progrès de ces femmes. C’est gratifiant. C’est peut-être une goutte d’eau  à l’échelle des problèmes de la planète mais en même temps je pense que c’est par ce type d’ actions aussi modestes soient-elles qu’on plante des graines de conscience » , explique Florence. D’autant que l’action des volontaires ne se limite pas à des ateliers ponctuels. Dans le cadre d’un congé solidaire, l’objectif est de rendre progressivement autonomes les personnes aidées localement. L’un des volets de la  mission de Florence consistait  à  former les membres de l’encadrement des foyers afin qu’ils puissent poursuivre eux-même les activités proposées.  » Nous étions heureuses l’autre volontaire française et moi même de voir qu’ils avaient envie de poursuivre certains ateliers. On a travaillé avec eux sur un plan d’action. Ils ont constaté que les arts plastiques étaient intéressants aussi pour les enfants.  Ils vivent avec leurs mères dans les foyers mais ils ne sont pas stimulés. Ils ne dessinent jamais. Leur mères n’ont pas été sensibilisées à cela. Ce n’est pas dans les mentalités »,  poursuit la jeune femme.

Au-delà de la satisfaction de se sentir utile Florence explique que cette expérience lui a aussi beaucoup apporté sur un plan plus intime : « En aidant les autres , je m’aide moi aussi à me développer, c’est un échange qui va dans les deux sens ». Elle mesure aussi sa chance de vivre dans un pays comme la France. Elle relativise aujourd’hui plus facilement les petits du tracas du quotidien et sait mieux apprécier ce qu’elle a :  » C’est tout bête, mais je fais aujourd’hui attention à ne pas gaspiller l’électricité. Au Népal  l’énergie est une denrée rare. La vie est rythmée par les coupures de courant. Alors une fois ici, je suis davantage consciente de mon confort de vie ».

Sa mission au Népal l’a aussi interrogée sur le système économique mondial et sur la notion même de développement. « La clé du développement passe forcément pour moi par l’éducation des femmes et des enfants. Dans des pays comme le Népal il y a encore beaucoup de travail. Je pense que l’objectif ce n’est pas d’ imposer nos solutions d’occidentaux , au contraire, il s’agit plutôt d’accompagner les habitants afin qu’ils deviennent des acteurs du changement dans leurs pays ».

On pourrait lui objecter que ces changements paraissent dérisoires face aux immenses défis que doivent relever les pays pauvres, mais Florence  ne veut surtout pas se laisser piéger par cette vision pessimiste du monde :  « On ne sait jamais d’avance quelles seront les retombées à long terme de nos actions. J’ai semé des graines en ne sachant pas quelles fleurs vont pousser. Mais si ça se trouve, de proche en proche, c’est tout un jardin qui va fleurir. C’est ça le mystère de la vie, on sème et on laisse la vie faire son oeuvre. Si ce que j’ai fait a des effets positifs sur le long terme, je pourrai dire que j’ai réussi ma mission. Pour moi c’est cela l’engagement. Agir à son niveau, avec ses moyens, mais agir. C’est la somme de ces petites actions qui créera selon moi un changement global ».

Liens pour aller plus loin :

Le congé solidaire avec Planet Urgence

Un rapport de l’ONU sur la condition des femmes au Népal

La métamorphose de Johana !

Johana et Nemo

Nous nous rencontrons dans un village situé en France à quelques kilomètres du Luxembourg. Son sourire est radieux.  Johanna dégage une sorte de force tranquille impressionnante pour son jeune âge. Elle n’a que 17 ans et déjà un avenir prometteur dans le dressage équestre devant elle. Au côté de son ami et complice Nemo, elle irradie de plus belle. Difficile en  la regardant aujourd’hui, d’imaginer que cette jeune fille éclatante était il y a encore trois ans l’ombre d’elle-même. Nemo et l’équitation ont changé sa vie. Son histoire nous prouve à quel point l’amour permet de guérir les blessures intérieures les plus douloureuses. Voici donc l’histoire de la métamorphose de Johana.

« Au fond, c’est ça la solitude : s’envelopper dans le cocon de son âme, se faire chrysalide et attendre la métamorphose, car elle arrive toujours. »  August Strindberg écrivain suédois ( 1849 -1912 )

 » L’amour peut tout guérir « 

 » Avant j’étais une épave, aujourd’hui je suis un arc-en-ciel « . C’est ainsi que Johana résume le chemin parcouru ces trois dernières années. L’arc-en-ciel. L’harmonie des couleurs.  L’unité parfaite de toutes les facettes du soi. Johana est loin d’enjoliver les choses. A son contact on ne ressent qu’une présence fluide, joyeuse et rayonnante.  En l’observant guider avec douceur et assurance ses chevaux Sparx et Nemo, je n’arrive pas à envisager que cette jeune fille sûre d’elle est une rescapée de la vie.   » Nemo a vraiment changé ma vie. C’est mon ami, mon confident. Il m’a aidé à remonter la pente. C’est particulier ce qu’il y a entre lui et moi. Je le considère comme mon ange gardien « .

Lorsque que ce cheval entre dans la vie de Johana. Elle est effectivement au fond du gouffre.  » Je souffrais d’une profonde dépression. Mes parents venaient de divorcer. Et je vivais l’horreur à l’école. J’étais faible, fragile et je suis devenue très vite la victime de la cruauté des autres enfants ». Insultes, moqueries, isolement. Johana devient peu à peu le souffre-douleur de son collège. « J’étais constamment harcelée. J’ai très vite perdu toute confiance en moi. J’étais surtout incapable de me défendre.  » Johana développe alors une phobie scolaire. Le simple fait d’entrer dans une salle de classe la rend physiquement malade. Elle souffre alors de nausées et de fièvre. Ses parents sont totalement démunis face à la souffrance de leur fille.  » Ils m’ont envoyé chez une psychiatre qui n’a rien trouvé de mieux que de me mettre sous anti-dépresseurs alors que j’avais à peine 13 ans », explique-t-elle. Les conséquences ont été  terribles.  » Je dormais 15 heures par nuit. J’étais un légume sans énergie. J’étais comme enfermée dans un monde parallèle. Isolée du monde ». Elle finit par quitter l’école et poursuit sa scolarité chez elle en suivant des cours par correspondance.

Son salut viendra de l’équitation. Sa passion depuis l’âge de 4 ans.  » Mon amour pour les chevaux , c’est ce qui me gardait vivante dans cette période sombre« , raconte-t-elle. Elle me confie que la seule chose qui allumait encore une étincelle dans son regard anesthésié par les psychotropes, c’était l’ardent désir de posséder un jour son propre cheval.  » Je remercie mes parents du fond du coeur d’avoir senti l’importance vital de ce rêve« , poursuit Johana. » Ils m’ont offert Nemo le 15 octobre 2009. Cette date je m’en souviendrai toute ma vieNemo était un peu mis à l’écart dans le club équestre que je fréquentais.  Les gens du club ne l’aimaient pas trop. On se moquait de lui parce qu’il était aveugle d’un oeil. Moi je le trouvais adorable.  Il m’a plu au premier regard. Je crois que c’est parce qu’on se ressemblait. Je me suis sentie très proche de lui tout de suite « ,  se souvient Johana.

Cette rencontre avec ce cheval sera sa thérapie. « Il a été mon maître de vie. Grâce à lui, j’ai repris confiance en moi. Il m’a enseigné l’amour inconditionnel. Et je vous garantis que le fait d’être aimé de cette façon sans réserve , sans jugement , moi, ça m’a guéri. Cela m’a rendu meilleure.  Nemo c’est le prolongement de mon âme . C’est mon reflet. Notre relation m’a permis de refaire confiance aux autres et à mieux m’entourer » , explique la jeune cavalière.

Sparx, Johana et Nemo

La rencontre de deux artistes !

Johana reprend peu à peu goût à la vie.  Un rêve se dessine alors à l’horizon. Un rêve de liberté. La jeune fille ne se sent pas à l’aise dans l’univers équestre traditionnel.  « Dans ce monde, tout est basé sur les apparences. On vante les mérites de la force et de la maîtrise. J »avais envie de quelque chose de différent. Un jour ma mère m’a ramené un magazine, dedans il y avait un  DVD de spectacles équestres.  C’était un mélange de théâtre et de dressage.  Cela mêlait tout ce que j’aimais. J’ai su que c’était ce que je voulais faire avec Nemo« , explique Johana.

Le poney islandais cache un formidable potentiel que Johana va peu à peu révéler à force de patience et d’affection. Pendant des semaines, elle va entraîner Nemo en suivant les principes prônés par Pat Parrelli, un éthologue américain spécialiste du dressage naturel, sans violence. Elle s’informe sur l’éthologie, la science du comportement animal. Elle improvise, subit des échecs, recommence. Au cours de ce long apprentissage intuitif, c’est son cheval qui a été son meilleur guide.  » C’est lui qui m’a tout appris« , sourit-elle. Elle précise :  » Pour qu’un cheval vous obéisse il faut être calme, posé, confiant. Je n’étais rien de tout cela quand j’ai commencé à travailler avec lui. C’est lui qui m’a aidé à devenir cette personne. Chaque jour j’ai gagné en confiance à ses côtés« , raconte Johana.

 Johana laisse Nemo libre de ses mouvements. Elle travaille avec lui sans mors. L’objectif est d’obtenir la collaboration du cheval sans passer par la force et la punition. Il s’agit au contraire de travailler en accord avec la personnalité du cheval.  » L’idée est de montrer à l’animal qu’il n’est pas en danger avec nous. La relation est basée sur la confiance et le respect« , précise Johana.

Et cette technique donne des miracles. Nemo réussit à galoper les yeux bandés. Et il suffit d’ observer l’authentique complicité qui lie la jeune fille à sa monture lors des entraînements pour comprendre la signification de ce mot. Complicité.

Sur la vidéo ci-dessous Johana et Nemo dansent. Et leur ballet grâcieux crée inévitablement l’émotion.

Pas à pas, Johana se décide à montrer au monde de quoi elle est capable. Plus question pour la petite fille bléssée de se cacher. La chenille est enfin métamorphosée en papillon. Et le temps est venu pour la jeune fille de prendre son envol.   « J’ai commencé à proposer des spectacles au culot, il y a un an.  Je me disais que si on me disait non, ça n’allait pas me tuer« , lance-t-elle dans un éclat de rire.  Un lâcher -prise qui lui ouvre de nombreuses portes.  » J’ai eu beaucoup de chance, car on m’a fait confiance « , résume-t-elle. Aujourd’hui elle est demandée en Belgique et un peu partout en France. Elle espère vivre un jour de ses spectacles équestres. Elle projette de passer un diplôme en sellerie-harnacherie pour continuer à travailler au plus près des chevaux.

Du haut de ses 17 ans,  Johana parle comme une vieille âme. Elle termine notre entretien en me disant qu’elle a été sauvée par son rêve.  » Aujourd’hui j’ai réalisé l’un de mes souhaits les plus chers. C’est merveilleux et c’est un immense bonheur. Réaliser ses rêves c’est important, c’est même vital. Grâce à Nemo, j’ai appris à devenir une meilleure personne. Je me respecte davantage. J’ai aussi rencontré de nouveaux amis qui me ressemblent et qui me comprennent, tout cela grâce à lui. Je n’ai plus peur de la vie parce qu’il est là et je me réveille chaque jour avec du courage. Je suis aujourd’hui une personne plus équilibrée. Il m’a appris à donner et à recevoir. « 

« On a tendance, de nos jours, à oublier que l’équitation est un art. Or l’art n’existe pas sans amour.
L’art, c’est la sublimation de la technique par l’amour. »  

Nuno Oliveira  , cavalier portuguais

Liens pour aller plus loin :

Le blog de Johana Billa

La méthode de dressage de l’américain Pat Parelli

Le site de dressage du français Nicolas Brodziack

Deux histoires de renaissance !

Cet été, ma route a croisé deux femmes âgées toutes deux de 45 ans passés.  Deux femmes bléssées qui ont tout donné et tout perdu au nom de l’amour.  Jusqu’à leur âme. Le coeur en miettes, elles ont toutes deux, chacune à leur manière sombrés dans cet espace où le désespoir semble étouffer à jamais toute parcelle de confiance en la vie. Et pourtant. Ces femmes poussées par une incroyable force plus grande qu’elles -mêmes, plus grande que leur malheur ont malgré tout trouvé en elles d’incroyables ressources pour renaître de leurs cendres. Je vous offre ici leurs histoires respectives. Deux histoires comme des lanternes incandescentes lancées dans l’obscurité de la nuit.

Artiste : Nicole Fernandez

 

 » Ne sous-estime pas l’endurance de la vieille femme sage. Même déchirée et maltraitée, elle possède un autre soi sous celui qui est assiégé, un soi primaire, rayonnant, incorruptible, un soi lumineux à jamais entier. »

Clarissa Pinkola Estès « La danse des grands-mères »

La renaissance de Sabine!

Elle a le rire facile. Sabine est une petite femme blonde, au teint hâlé, et au corps longiligne. Je l’ai rencontré sur la plage. C’est l’ amie d’une amie. Dès le premier contact elle est chaleureuse. Converser avec elle est un bonheur. Chaque mot dans sa bouche se ponctue toujours par un éclat de rire. Elle est présente, vivante, joyeuse.  » Maintenant ma vie c’est l’instant présent », déclame-t-elle, les yeux pétillants. Je me rapproche, attirée comme un aimant par cette femme solaire. Je me fais une place à côté de sa serviette, car mon coeur a bien envie d’en savoir plus. Et Sabine me raconte. Elle m’offre son histoire, que je reçois comme un cadeau, car la jeune femme que je suis est impatiente de découvrir  la vieille femme sage que je devine en elle. Une femme sage et lumineuse, qui a pourtant traversé les ténèbres avant de retrouver la lumière.

 » Je suis restée 16 ans avec un homme. 16 ans de bonheur. Il était musicien, saxophoniste, j’étais sa choriste. On travaillait ensemble, on vivait ensemble. Le milieu des artistes tu sais :  la fête, les concerts, les tournées. On a pas eu d’enfants. J’aimais notre vie. Après 16 ans de vie commune , il m’a demandé en mariage. J’avais rien demandé. J’étais heureuse. On a fait un beau mariage. Un grand mariage. J’étais sur un nuage. « , murmure-t-elle. Une semaine après, il est parti, comme ça, sans explications, sans donner de nouvelles. Il est sorti et puis je l’ai pas revu. Au début je me suis pas inquiétée. Les artistes tu sais, c’est spécial. Ils sont lunatiques, imprévisibles. Intérieurement j’étais angoissée. Je comprenais rien.  »

Elle poursuit, le regard plus sombre: » Une semaine passe. Toujours pas de nouvelles. Je me rends au marché. L’une des vendeuses sur la place m’interpelle. Ton mari, je l’ai croisé hier, avec une brunette me lance-t-elle avec un grand sourire. Tout le village était au courant, sauf moi. L’humiliation. Et toujours pas d’explications. La veille de son départ, on venait de faire l’amour. Il m’a demandé en mariage, alors pourquoi ? Pourquoi est-il parti avec une autre. J’ai jamais compris. Il ne m’a jamais donné d’explications. Je l’ai revu au divorce. Je l’ai supplié de m’expliquer. Le plus terrible c’est quand il m’a dit qu’il  n’avait rien à me reprocher. »

Le divorce laisse Sabine à genoux. Du jour au lendemain, elle perd son amour, sa maison, son travail. Le jeunette l’a remplacé dans le groupe  de musique de son ex-mari.  » Je suis partie avec un sac de fringues, sans rien « , explique-t-elle.

Et le gouffre du désespoir l’avale au fil des mois. Elle perd le goût de manger, devient anorexique.  » J’ai fini à l’hôpital, je pesais 34 kg« .  Je sursaute, je la questionne mais comment as-tu fait Sabine  pour te sortir de ça ? « J’ai touché le fond. Je pouvais pas aller plus bas, alors j’ai enfin pu remonté, je crois que c’est ça » . Elle sourit.

Mais son histoire ne s’arrête pas là. Sabine sort de l’hôpital, elle revient à la vie doucement, sur la pointe des pieds. Mais son estime de soi est en miettes. La trahison est une blessure qui  fait des ravages jusque dans les tréfonds de l’âme . Mais la vie la pousse à avancer tant bien que mal. Elle retrouve alors un nouveau compagnon. La relation est destructrice.  » C’était un pervers narcissique, et pourtant je suis restée, persuadée que mon amour allait le changer. » L’histoire va durer 5 ans.

Pendant ces années de brouillard, son corps lâche. L’anorexie a laissé des traces. Une banale chute, et la voilà avec un poumon perforé. Elle fait un arrêt cardiaque aux urgences.  » Je suis morte 14 secondes avant qu’on me réanime. Je me suis vu partir, j’avais plus d’air, comme quelqu’un qui se noie. J’au vu ma vie défiler. J’ai vu mon père décédé. Il m’a dit non pas encore. C’était pas le moment pour moi  de mourir« , m’explique-t-elle.

Lorsqu’elle revient de cet entre -deux mondes, elle est comme baignée dans une énergie nouvelle.

« Aujourd’hui, je vis l’instant présent, il y a toujours eu un fond de joie en moi, d’optimisme. Cette expérience m’a juste rappelée que rien dans la vie n’est acquis. Alors mieux vaut  voir les choses positives, cultiver l’amitié, passer des bons moments tant que c’est possible. »

Sabine ne croit pas en Dieu, mais elle a la foi. Elle imagine qu’il y a une force quelque part qui nous dépasse. Son coeur reste malgré tout  fragile. Faire confiance à un homme ?  » J’aimerais mais ça risque d’être difficile. Je donne tout, je suis entière. Et j’ai peur encore d’être bléssée « , conclut-elle.

 » Intuitivement, dans sa psyché, une femme comprend qu’être en bonne santé c’est avoir une santé florissante. Lorsqu’elle est bléssée, il y a dans son esprit et dans son âme, un filament vibrant et vivifiant qui envers et contre tout, pousse en direction de la vie nouvelle »

Clarissa Pinkola Estes, conteuse et psychotérapeute 

L’éveil de Fabienne

Quelques mois après cette rencontre, je découvre Fabienne. Elle a à peu près le même âge que Sabine. Elle est infirmière. Elle soigne les malades et les coeurs. C’est une femme très spirituelle, elle s’intéresse à tout ce qui fait grandir l’âme. Un centre d’intérêt commun qui nous pousse à avoir un échange plus profond. Elle m’explique que son cheminement intérieur est récent, mais que la spiritualité l’accompagne depuis toujours. Jusqu’a 7 ans, c’est une petite fille sensible, qui ne comprend pas comment Dieu peut être amour et créer la guerre.  A 20 ans, le décès de son frère l’interroge sur la vie après la mort. Elle est curieuse, son esprit est ouvert aux mystères. Elle se relie encore un peu plus avec cette conscience impalpable qui nous invite à regarder de l’autre côté du miroir.

Mais son vrai chemin spirituel commence au moment où elle vit  une crise très profonde. » J’ai fait une dépression, et en même temps j’ai tout perdu , mon compagnon m’a quitté, en emmenant toutes mes économies et en plus en me laissant des dettes. » Une descente au enfers dont elle s’est pourtant relevée.  » J’ai alors du me tourner vers l’intérieur pour vivre« , explique-t-elle. Elle poursuit :  » J’étais à la limite du suicide et puis la lumière intérieure était là. J’ai trouvé la force en focalisant sur le positif. Je t’assure qu’on en trouve. Tu sais maintenant je suis plus heureuse en ayant beaucoup moins. Je n’ai plus peur de perdre quelque chose. Je me réjouis de peu comme de beaucoup, ce sont des petites victoires de chaque jour ».

Je lui demande ce qui l’a empêché de passer à l’acte, et de mettre fin à ses jours. Elle répond :  » Je me disais que c’était trop facile et qu’il faudrait que je recommence dans une autre vie donc pas question j’étais horrifiée d’avance et donc j’ai retroussé mes manches « .

Fabienne est heureuse de partager son expérience, elle en parle facilement autour d’elle. « Souvent les gens me disent oui mais toi t’es courageuse et là j’éclate de rire. Moi courageuse ? Pas du tout j’ai surtout pas eu le choix« , poursuit-elle.   » Je n’en retire aucunement de lauriers car je ne suis pas fière de toute mes responsabilités. J’ai refusé de voir pendant deux ans les manigances de mon compagnon. Tout le monde le voyait et pas moi. Il y avait pourtant des signes. » Fabienne explique qu’elle s’est oubliée : « Je n’ai pas voulu voir parce que je ne connaissais pas encore le côté … la souffrance des autres n’est pas la tienne et j’étais trop dans l’empathie. Je me niais toujours pour les autres.  Encore un héritage inconscient de la pensée judéo-chrétienne. »

Ce parcours chaotique a malgré tout fait grandir cette femme hypersensible : » Chaque jour est un apprentissage. Aujourd’hui je vis essentiellement dans le moment présent. Je ne vis plus dans le passé et je n’ose pas me projeter encore dans le futur. Je suis aussi plus consciente de ce que je vis. Je vis intensément chaque minute. Cela veut dire que lorsque je suis avec mes neveux par exemple, je joue. Quand je  suis devant l’ordinateur je lis, je réfléchis et quand  je fais le ménage dans ma maison, je fais le ménage en moi ».

La renaissance intérieure de Fabienne sonne comme une seconde chance. » Je deviens de plus en plus moi, mais n’y suis pas encore. Celle d’avant est devenue presque une inconnue ».

Fabienne tout comme Sabine sont les preuves vivantes que la transformation intérieure est possible. Les épreuves de la vie nous poussent  à changer. Mais c’est finalement toujours un choix qui enclenche cette mutation. Un choix guidé par l’énergie même de la vie, cette source mystérieuse et puissante qui prend naissance dans les profondeurs de la psyché féminine.

Leurs témoignages sont comme des phares dans la tempête de nos incertitudes et de nos peurs. Elles  nous apprennent également une chose qui me paraît essentielle : l’énergie vitale dont nous sommes tous constitués est toujours plus forte que  la peur et que le désespoir ! Faut-il attendre d’être aux portes de la souffrance pour découvrir cette énergie au fond de nous-mêmes ?

Demain vous aussi vous pouvez renaître à vous-même si vous le choisissez. La douleur n’est pas un passage obligé de la (re) naissance, si vous pouvez consciemment comprendre le voyage intérieur de ces femmes et leurs lumineux messages.

« Le chaos est rempli d’espoir parce qu’il annonce une renaissance. »  Coline Serreau, réalisatrice française

Pézénas, Hérault, France

Liens pour aller plus loin :

Un livre : La femme au miroir d’Eric-Emmanuel Schmitt Une belle histoire de portraits croisés de femmes

Le travail de Clarissa Pinkola Estés

Les oeuvres et le site de l’artiste Nicole Fernandez

Photos : Sandra C.

« L’argent fait tourner le monde  » : Rencontre avec l’écrivain Douglas Kennedy !

Juin 2012 : Metz ( France ) Festival l’Eté du Livre !

Interview de l’auteur américain Douglas Kennedy

      Douglas Kennedy est né à Mahnattan à New-York en 1955.  En 1977, il débarque à Dublin. Il écrit des pièces pour le théâtre, et devient journaliste free lance. Mais son vrai rêve c’est de devenir romancier. Après plusieurs échecs il déménage à Londres et publie des récits de voyage. Il connaît le succès sur le tard, à l’âge de 41 ans, avec son deuxième roman « L’homme qui voulait vivre sa vie « , traduit en 16 langues et vendu à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde. A ce jour il a publié près de quatorze livres . Il vit entre New-York , Paris et Berlin. Le voilà devant moi et il a beaucoup à dire. En français en plus. Douglas Kennedy est un américain francophone et francophile!

L’argent : au coeur de son dernier livre !

« Si quelqu’un me dit que l’argent n’est pas important dans sa vie , je le traiterai de menteur, c’est certain » : sourit Douglas Kennedy. « Largent fait tourner le monde, il peut rendre fou, il ne rend pas forcément heureux. Pour moi notre rapport à l’argent est surtout la métaphore de nos peurs, de nos besoins, de nos désirs , de nos souhaits, et de nos angoisses« , précise l’auteur américain.

L’argent est le personnage central du dernier livre édité en France  de Douglas Kennedy. Cet ouvrage a été  exhumé des années 90. Il a été écrit  et publié en Angleterre il y 20 ans. Le manuscrit  arrive en  France avec un certain retard, certes. Ce qui est étonnant c’est qu’ il reste  terriblement actuel. Dans ce livre, l’écrivain  américain se plonge dans l’univers des traders, du dieu dollar. Il y observe les rois de la finance , auscultent leurs âmes avec l’oeil d’un psy, et  nous offre  un véritable récit de voyage. Un tour du monde  des places financières de la planète. Ce livre résonne fortement avec les dérives et l’absurdité de notre  système économique centré sur les profits. Il  emporte le lecteur de Singapour, à New-York en passant par  Sydney, et nous plonge dans le  coeur des bourses. Douglas Kennedy  y  découvre les  acteurs d’une comédie humaine qui fait tourner le monde.  Des hommes et des femmes d’affaires dont ils sondent la conscience . »Je suis un romancier, je suis un peu voleur « , lance- t-il.   Des traders, poussés vers une interminable quête  du « toujours plus ». Des être humains déconnectés des autres, habités finalement par un grand vide, qu’ils cherchent à combler avec toujours davantage de zero.  » Il y a de la vacuité , toujours, derrière la poursuite de l’argent« , observe Douglas Kennedy.

 L’auteur américain aurait pu finir comme eux. « Mon père voulait que je sois avocat » se souvient-il. « Si je l’avais écouté, je sais aujourd’hui que j’aurai fini comme le héros de mon roman  » l’homme qui voulait vivre sa vie« , je serai  installé dans une confortable maison dans une banlieue chic de New-York  avec deux voitures, une femme, quelques enfants et beaucoup d’amertume ».

Douglas Kennedy écrit depuis l’âge de 24 ans. Il a commencé par rédiger des articles, mais c’était « du journalisme alimentaire ». A l’âge de 33 ans, il  dépasse sa peur de ne pas réussir à devenir romancier et choisit de suivre son rêve. Il publiera cette année là son   premier livre : « Beyond the Pyramids : Travels in Egypt ». Un carnet de route assez drôle au pays des pharaons.

La valeur de l’argent !

Douglas Kennedy a  connu le succès tardivement. Lorsqu’il explose sur la scène littéraire mondiale , il a 41 ans, et une vie d’échecs et de succès modestes derrière lui. Une chance, finalement. « Grâce à cela, j’ai compris que le succès était un vernis fragile, tout peut changer demain si j’écris de très mauvais romans « , explique-t-il. «  Le truc c’est ce que je n’ai jamais écrit un livre dans  le but de gagner beaucoup d’argent. Le succès m’a pris par surprise », dit-il. L’argent lui permet aujourd’hui de vivre confortablement. Il savoure cette liberté, qui lui permet de  naviguer entre New York, Berlin et Paris et de « voir venir » pour ses enfants, Max et Amélia. Mais pour lui, » l’argent reste un piège ».


 « La génération de mes parents ne parlait jamais d’argent , quand j’étais à l’université à New-York , un étudiant qui aurait eu comme unique ambition de devenir riche,  on l’aurait traité de connard « ,sourit-il . C’était dans les années 70. Dans les années 80, l’argent « devient sexy« , poursuit l’auteur américain.  » Reagan et Thatcher ont profondément changé le monde occidental en imposant l’ultra-libéralisme.  Cela a  transformé notre rapport à l’argent » , analyse-t-il.  » Aujourd’hui, à cause de la puissance  des bourses , toutes les grandes villes se sont transformées. New-York était une ville abordable pendant mon enfance. Les golden boys et les golden girls et leurs 40 millions de dollars annuels ont fait grimper les prix.  Le gouffre entre les très riches  et les autres s’est élargi. Beaucoup de grandes villes sont devenues hors de prix : comme Londres et Paris.  » Il regrette également que cette domination du monde de la finance se soit faite au détriment des professions intellectuelles, « elle ont été dévalorisées« , déplore-t-il.

Douglas Kennedy  soutient le mouvement  « Occupy Wall Street« , parce que « c’est nécessaire d’entendre d’autres voix « . Il souligne  que l’histoire est toujours faite de cycles. « Nous sommes actuellement dans un cycle hyper-capitaliste. Peut-être que ça va changer. « 

Il était à Montréal la semaine dernière. Sa nouvelle amoureuse y vit. Il a observé avec intérêt les manifestations des étudiants, les habitants de cette ville réputée tranquille défilant le soir avec leurs casseroles, s’indignant des décisions de leur gouvernement. « Je pense que c’est une chose très positive, que des gens se rassemblent et disent que trop, c’est trop ».

Il pense à New-York, rêveur : « On vit dans un monde où un homme peut dépenser 100 millions de dollars pour une résidence  secondaire dans un quartier de Long Island« . Cela donne le vertige. Douglas Kennedy est bien d’accord avec ce proverbe français un peu désuet : »L’argent ne fait pas le bonheur , mais il y contribue ». Je connais des hommes très riches et très malheureux, mais pour moi c’est toujours des choix personnels « , conclut-il. Douglas Kennedy, lui a fait son choix. Vivre ses rêves, c’est peut-être cela la clé du  bonheur !

Si votre curiosité vous pousse plus loin au sujet de l’argent :

Une vidéo d’un économiste argentin qui prédit la fin du système monétaire mondial :

Un reportage québécois sur la révolution silencieuse en Islande :

Un livre : La psychologie de l’argent de l’économiste Renaud Gaucher

Informations sur l’auteur :

Le site officiel de Douglas Kennedy

En attendant la suite…..quelques citations et la liste des articles à venir!

On s’en sert dans les dissertations, dans les devoirs de philosophie, rarement dans la vie.

Pourtant les mots des grands auteurs des temps passés et présents possèdent  une force qui traverse les âges. D’autres, pas forcément des écrivains d’ailleurs  ont  trouvé les mots justes pour exprimer ce que leur murmurait leur âme.  La lecture de ces citations  peut nous laisser songeur, nous interpeller , parfois ils répondent tout simplement à nos questions du moment.

Je voulais vous livrer quelques-unes de ces trouvailles.

A méditer!

-« Le hasard sait toujours trouver ceux qui savent s’en servir » Romain Rolland

« Au lieu de planifier l’imprévisible, rêvons ensemble du futur » Jean-Marie Descarpentries

– « Celui qui s’est trouvé , ne se soucie pas d’être dépassé » Anonyme

-« Imaginer, c’est hausser le réel d’un ton « Gaston Bachelard

-« L’homme est capable de faire, ce qu’il est incapable d’imaginer« René Char

« Il vivait dans une si  constante hantise d’un accident mortel, qu’il téléphonait tous les jours à la morgue, pour savoir s’il ne lui était rien arrivé  » Anonyme

-« Ne t’attaque pas au système, démode -le »  Bernard Werber

-« Les âmes basses ne comptent que sur la noblesse des autres«  Jules Renard

-« Mais les belles âmes,ce sont les âmes universelles, ouvertes et prêtes à tout, sinon instruites, sinon instruisables » Montaigne

-Les mots boivent notre pensée avant que nous ayons eu de le temps de la reconnaître » Jean-Paul Sartre

De quoi patienter avant de nouveaux articles à lire !

Voici les sujets en chantier:

Le portrait d’un jeune photographe vivant à Bombay. Ankur Aras, que j’ai rencontré grâce à  la magie du net. Un jeune homme lumineux, adepte d’un mouvement innovant né aux Etats-Unis « The gift economy ». L’économie du don.

J’espère pouvoir également vous livrer une interview de Cyril Tarquinio professeur en psychologie à l’université de Metz en France. Il  vient d’écrire un livre, La psychologie de l’adaptation  tout à fait intéressant. Dans cet ouvrage,  il  s’interroge sur les stratégies développées par les personnes victimes de traumatismes pour affronter les épreuves de l’existence.  http://www.evene.fr/livres/livre/elisabeth-spitz-cyril-tarquinio-stan-maes-psychologie-de-l-adapt-660722.php://

Enfin,  je viens d’avoir un entretien très instructif avec le chercheur en psychologie organisationnelle de l’Université de Montréal Jacques Forest. Il a réalisé une étude très intéressante sur les conditions du bien-être au travail. Il fait partie d’un groupe de chercheurs qui travaillent sur le concept de l’auto-détermination! Tout un programme donc…

A très vite pour la suite de cette révolution intérieure qui semble déjà en marche !