Et si on se permettait de rêver ?

« Je crois qu’un homme se termine vers 16-17 ans. A 16-17 ans, un homme a eu tous ses rêves. Il ne les connaît pas tous mais ils sont passés en lui. Il sait s’il a envie de brillance ou de sécurité ou d’aventure. Il a senti le goût des choses et il passe ensuite sa vie à vouloir réaliser ses rêves ».

Jacques Brel, extrait d’un entretien à Knokke ( 1971)

Photo : Etats-Unis

Photo : Etats-Unis

Plonger le regard dans cette photo, c’est comme faire un pas de plus vers un horizon dégagé. Tout paraît possible, au milieu de ce décor dépouillé. Le désert doit avoir une âme. Il attire les rêveurs et les aventuriers, qui ne doivent pas au fond être si différents.

Dans le langage commun cependant, il y a de nombreuses expressions, qui confondent le rêve avec une chimère, une illusion, un manque de pragmatisme. « Que la réalité ne corresponde pas au rêve, seuls les naïfs s’en étonneront. D’abord, il y eut autant de rêves que de rêveurs. […]. Enfin, et surtout, si les hommes pouvaient réaliser leurs utopies, cela se saurait. — écrit l’historien israélien Élie Barnavi. Cette vision de choses me fait toujours bondir. Car on oublie vite que c’est bien aux rêveurs que nous devons de nombreuses avancées. Il a bien fallu que des hommes et des femmes portent en eux des rêves plus grands qu’eux-même pour arriver au contraire à transformer l’environnement autour d’eux. Et de nombreux auteurs et artistes ont transmis ce message au cours des siècles.

A mon sens, rêver signifie en réalité s’écouter. C’est créer cet espace intérieur, ou tous les sens sont tournés vers le dedans. Rêver c’est d’une certaine manière, visiter l’enfant, l’adolescent, l’être spontané, qui ressentait sans barrières le monde et qui en même temps apprenait à construire le sien.

Où peuvent bien naître les rêves des gens ? Certainement pas dans le mental. On ne rêve pas avec la tête. On écrit des scénarios imaginaires, avec la tête. C’est très différent. Rêver c’est appeler une énergie qui saura quoi faire de nos rêves. Mais comment la mobiliser cette énergie là, celle qui nourrit le rêve, et le nourrit tellement bien, qu’il prend forme, et que progressivement ses contours se dessinent dans la réalité ?

Un rêve doit avoir été bercé aux creux de nous. Il vient du coeur. Pas de la tête. Un rêve, c’est comme un souvenir dont on aurait une image floue. Et puis à force de le regarder, on découvre ses couleurs,  l’image devient soudainement plus nette, à mesure qu’on prend le temps de regarder vers l’intérieur. On peut ignorer un rêve, l’abandonner ou l’embrasser en sautillant, heureux de ces retrouvailles inattendues.

Il y a toujours un rêve, qui attend qu’un homme le retrouve. Le rêve se réjouit quand un homme le cherche. L’âme du monde sourit. L’univers est en ordre. Les étoiles ne retiennent plus leur souffle. Les rêveurs qui marchent vers leur rêve sont enfin éveillés.

Le thème du rêve a occupé mes pensées, car  je suis tombée  » par hasard » il y a quelques jours, sur une lettre. Elle était glissée dans un livre, que j’ai saisi machinalement dans ma bibliothèque pour meubler un moment d’ennui. J’ouvre le livre et je trouve cette lettre pliée entre deux pages.

C’est un petit papier à carreaux, une écriture à l’encre bleue, autant dire que de nos jours c’est une relique d’un autre temps. Il s’agit d’une lettre datée de la fin des années 90. Je la parcours et je comprends que c’est la réponse d’un écrivain belge, Xavier Deutsch, à une lettre que je lui avais envoyé. Je l’avais rencontré au lycée, à l’occasion d’un cours de français, il était venu rencontrer un groupe d’élèves. J’avais établi avec lui une correspondance, car j’étais curieuse d’en savoir plus sur lui et j’avais réalisé une interview dans le journal de mon lycée. C’était alors un tout jeune écrivain passionné, timide, et en même temps habité. Il m’avait à l’époque vraiment interpellée.  Aujourd’hui il a écrit près d’une quarantaine de livres et obtenu divers prix littéraires.

Mais revenons à cette lettre. Voici ce qui a retenu mon attention.

 » Vous me demandez si je me sens différent des autres. Non je ne sais pas. Non pas différent. Mais peut-être que par rapport aux autres, j’ai l’audace de mes idéaux. Nous avons tous des rêves, des idéaux. Mais ils sont difficiles à réaliser, parce qu’il y a l’éternel problème de l’argent, du métier, des enfants, de la maison…Tout cela empêche ( sauf quand l’idéal est dans l’argent,  le métier, les enfants, la maison, là tout va bien ).

Alors les gens finissent par se séparer de leur idéal parce qu’ils trouvent que c’est beaucoup trop difficile à réaliser. Moi, la seule différence, c’est que je prends mes rêves au sérieux. Je leur obéis. Résultat : pas d’argent, pas de métier, pas d’enfants, pas de maison…mais je rencontre mon idéal . Je ne dis pas c’est mieux ou c’est moins bien. Je dis : chaque vie est différente et la mienne est comme ça ».

Jusqu’à aujourd’hui cette lettre a dormi au creux de ce livre, et voilà qu’elle apparaît comme exhumée d’un autre temps. Je n’ai jamais repensé à cet écrivain pendant de nombreuses années et voilà qu’il délivre sans le savoir un message qui m’amène à m’interroger.

Rencontrer son idéal. Rêver sa vie. Vivre ses rêves. Qu’est -ce qui changerait si on se le permettait ?

Voilà de quoi méditer tous ensemble sur la plage cet été.

Je vous souhaite de prendre le temps de rêver. Sans contraintes. Excellentes vacances à tous. Et à très vite. J’ai hâte de partager avec vous l’histoire et le parcours de deux femmes qui ont réalisé leurs rêves, à l’issue d’un chemin guidé par le coeur et l’intuition. Vous les connaîtrez bientôt.

©larevolutioninterieure.com

Liens pour aller plus loin :

La bibliographie de Xavier Deutsch

Une très belle interview de Jacques Brel