Comment réussir à être soi-même ?

 » Qu’est- ce que la réussite ? Se lit-elle dans le regard des autres ? Ou dans celui que l’on jette sur soi-même ? Ai-je tenu les promesses que je m’étais faites ? L’enfant que j’étais est-il fier de l’adulte qu’il est devenu ? « 

 Smaïn Fairouze extrait de   » Je reviens me chercher  » ( 2011 )
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J’aime bien photographier mes ombres. Elles m’apprennent toujours quelque chose de nouveau sur moi-même.
Quand je regarde celle-ci, je vois une personne affirmée, qui regarde la vie bien en face, tout en s’appuyant sur ce qui est là, présente.
Cette partie  de moi qui se révèle dans l’ombre, me fait souvent défaut ses derniers temps. J’aurai besoin d’elle plus souvent. Ou peut-être a-t-elle juste besoin que je lui permette d’exister, afin qu’elle prenne sa place dans le monde. Peut-être vient-elle me dire qu’il est temps de lui donner des couleurs, de la faire vivre au grand jour, de l’animer d’un souffle de vie et de la laisser s’exprimer pleinement.
Qu’est-ce que réussir ? Voilà une question qui me fait sortir de ma bulle silencieuse. Quand je pense à la réussite, je pense immédiatement au sourire satisfait de mes parents, si fiers de moi,  le jour où j’ai décroché mon Bac avec mention. Je pense au soulagement de ma grand-mère, le jour où j’ai décroché mon CDI. Je pense à mon banquier, qui a commencé à être d’une extrême amabilité, le jour où il m’a vu à la télé, à l’époque où j’étais journaliste et relatait en trente secondes des nouvelles pourtant pas toujours très positives .
J’avais alors le sentiment d’avoir réussi. On reconnaissait mon parcours scolaire, mon statut, mon image . Et pourtant ces honneurs ne m’ont jamais totalement comblée. Au fond de moi, quelque chose me soufflait, que ce sentiment de réussite n’était pas juste, n’était pas en accord avec ma vérité. Je jouais un rôle. Le rôle qu’on m’avait attribué.  Pendant des années, j’ai dépensé beaucoup d’énergie pour répondre aux attentes des autres, totalement déconnectée de mes propres besoins et de mes aspirations profondes. Pas de regrets, bien sûr. Chaque étape du chemin est nécessaire à la suite du voyage. A l’époque je ne me posais pas trop de questions. J’avais réussi. Alors à quoi bon aller chercher autre chose ? Qu’est-ce qui pouvait bien me manquer ?
Ce n’est que plus tard, que j’ai pu mettre des mots sur cet étrange malaise intérieur qui ne me laissait pas de répit. Ce qui me manquait, c’était non pas la réussite, mais le sentiment de m’être réalisée. Se réaliser, c’est matérialiser dans le monde son plein potentiel. C’est un sentiment de plénitude qui se traduit par des émotions positives. Mais avant de pouvoir se réaliser, encore faut-il savoir qui on est. Et c’est là que la quête intérieure commence.
Le regard des autres ne devrait pas nous façonner. Il y a quelque chose de contre-nature dans ce schéma de fonctionnement. Nous faisons tant de choses pour quelques miettes d’attention, pour un peu de reconnaissance. Jusqu’à nous renier tout entier. Nous faisons tant de choses qui ne nous correspondent pas, car un jour nous avons appris que pour être aimé, il fallait répondre aux attentes des autres. Nous sommes des affamés d’amour. Alors nous avons accepté sans sourciller d’honorer ces contrats inconscients  sans les remettre en cause.
Voilà la source de nos souffrances, de nos conflits intérieurs, de nos douleurs, de nos blessures intimes.
Nous sommes morcelés. Arrive un moment où cet éclatement devient insupportable.
Le reconnaître, c’est déjà commencer à guérir. C’est faire un premier pas vers l’unité.
Lâcher la peur de décevoir, la peur d’être rejeté. Faire de la place à la confiance, à l’amour de soi, au bonheur de partager ce que nous sommes en toute simplicité.  Oser montrer  nos forces et nos faiblesses car elles font de chacun d’entre nous des êtres uniques. Cela paraît presque facile, dit comme ça.
Qu’ apprécions-nous chez les enfants ? Leur spontanéité, leur innocence, leur créativité.  Le drame, c’est qu’une fois devenus adultes, nous voilà remplis de peurs. Nous n’osons plus nous dévoiler. Nous devenons des créatifs bloqués. Nous avons perdu le fil qui nous reliait à nos rêves et donc à notre vérité. Nous nous vidons de notre substance vitale à partir de cet instant-là. L’existence devient triste, morne, sans but. Nous errons alors comme des fantômes dans le monde. Exilés.
Deux visages.

Les trois visages de l’être.

J’aime bien cette photo, car elle exprime, ce que je ressens parfois au coeur de mon monde intérieur.

Au sein de notre espace intime, j’ai compris que nous n’étions jamais tout à fait seuls. Il y a qui je suis à droite.  Il y a une  fille en colère à gauche. Il y a un début de visage prêt à me gronder encore plus à gauche.

Quand je ressens de la colère, de la frustration, je sais que c’est la petite fille blessée qui s’exprime.

Quand je doute de moi, quand  je perds confiance, quand je parle négativement de moi-même, c’est le gros bonhomme pas commode qui hausse le ton et qui me juge et me critique à chacun de mes pas.

Mais quand je crée et que j’exprime ce que je ressens, – ce que je me suis autorisée à faire en  prenant cette photo par exemple et en la publiant -, je suis juste moi. Un moi dépouillé, transparent, présent à ce qui est là.

Tout le chemin consiste à répondre cette question : qui parle , quand je parle  ?  L’investigation en vaut la peine. Elle permet d’éclairer d’une lumière nouvelle nos relations. Elle permet de faire des choix différents. Plus nous devenons conscients de nous-même, plus nous gagnons en clarté.

Nous ne sommes pas obligés de faire plaisir à tout le monde. Nous ne sommes pas obligés de gagner l’amour des autres en nous conformant à leurs désirs. C’est cette prise de conscience, qui marque le début d’une véritable révolution intérieure.

Une révolution intérieure, commence toujours par une révolte de l’âme.

C’est une intuition qui émerge un jour et vous dit : tu as le droit d’être toi-même et d’offrir au monde tes talents uniques. Tu en as même le devoir. Tu n’es pas condamné à continuer à faire ce boulot que tu n’aimes pas. Tu n’es pas obligé de supporter la négativité de ta famille.  Tu n’es pas obligé de faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Tu es parfait tel que tu es. Il n’y a rien à perdre, rien à gagner. Juste apprendre à être toi. Et observer où cela t’amène.

Alors démarre la quête de soi. C’est un beau voyage rempli de surprises. Il suffit d’être attentif aux signes, aux rencontres et de faire confiance à la vie. Et le processus suit son cours naturellement.

En ces temps troublés, où nous traversons de multiples crises :  crise économique, crise de sens, crise écologique. Il est temps de revenir à soi, pour savoir ce qui compte vraiment. Revenir à l’essentiel. Découvrir ses propres valeurs et les incarner. Créer sa propre définition du mot : réussir.

Oui, c’est possible. Il suffit juste de faire un pas vers soi. S’écouter. Se nourrir d’énergie positive. Toujours garder confiance. Focaliser notre attention sur ce que nous aimons faire.  Accueillir notre vulnérabilité. Attendre que nos rêves nous trouvent. Nous murmurer des mots doux quand nous nous sentons fragiles. Refuser de nous connecter à la violence du monde. Nous retirer dans nos cocons lumineux. Et attendre la métamorphose, car elle arrive toujours.

Sandra C.

©larevolutioninterieure.com

 

 

 

 

Le vieil homme et l’enfant

 » Un homme n’est vieux que quand les regrets ont pris chez lui la place des rêves « .

John Barrymore acteur américain ( 1882-1942)

Lac de Lamoura, Jura Photo : Fred Senchet

Lac de Lamoura, Jura
Photo : Fred Senchet

J’aime écrire. J’aime tout écrire. Ces derniers temps l’inspiration a pris la forme de contes. Ils viennent un peu quand ils veulent. Quand je me poste devant mon écran décidée à en faire émerger un ils se cachent bien souvent. Je sais que pour les recevoir, je dois être à l’écoute de cet espace en moi où le vide est toujours plein. Du coup, ils viennent habituellement par surprise et j’arrête alors tout, fébrile, pour m’empresser de les retenir avant qu’ils ne m’échappent. Les mots coulent alors et composent une musique qui tarit le flot de mes pensées. C’est un exercice extrêmement apaisant. L’écriture est une forme de méditation, à mes yeux. Quand j’écris, j’ouvre quelque chose en moi qui dialogue avec quelque chose de bien plus grand que moi. Les mots s’invitent, je les écoute, puis je les cueille avec délicatesse. Je sais à quel point ils sont précieux.

Aujourd’hui, j’avais donc envie de vous confier l’un de ces contes. Prenez -en soin. Ecoutez-le bien. Observez ce qu’il réveille en vous si tel est le cas. Et n’hésitez pas à partager vos émotions. Un conte une fois écrit doit voyager jusqu’à ceux à qui il était destiné. Je souhaite à celui-là de s’envoler loin jusqu’à un coeur prêt à le recevoir. Bonne lecture.

Le vieil homme et l’enfant

L’homme est vieux, il est las. Il est assis à l’ombre d’un chêne aussi fatigué que lui, planté à côté d’une rivière. L’eau coule, traversée d’une pluie de soleil. Le vieil homme a le regard fixé sur ce moment précieux. Il a passé des siècles assis ici à contempler cette rivière, sans jamais se laisser emporter par le courant. Son corps fourbu tourne au ralenti et son esprit musarde au son de ce flot continu et vivifiant. Il pense à sa vie. Toutes ces années ont glissé sur l’eau en un battement de cœur. Il pense et il rit, car il vient de découvrir, qu’aucun regret ne vient entraver le fil de l’eau. Il s’en amuse comme un enfant . Cette joie enfantine, c’est le son du bonheur.

Un nuage passe, escorté par une volée d’oiseaux gris. Le vieil homme penche sa tête en arrière un instant pour mieux apprécier leur course légère. Il s’imagine qu’il est éthéré et moelleux, comme ce nuage. Et les douleurs dans ses doigts secs semblent s’évaporer subitement.

Certes le temps a ridé son visage, mais sa figure ronde témoigne toujours de sa nature gourmande. Au seuil de sa vie le voilà qui se demande : «  Suis-je enfin devenu sage l’âge aidant  ? » Il s’interroge, lui qui de sa vie, n’a jamais prié, refusant avec force l’idée d’un Dieu qui vivrait au-dessus de lui. Il l’avoue sans peur, il n’a jamais cru en Lui. Dieu, est resté pour lui le guide des aveugles et des sourds.

Le vieil homme lève la tête et se plante plus profondément dans la terre. Il ne craint pas le blasphème et avec force le voilà qui crie : « Je ne crois pas en Dieu, et c’est ainsi, tant pis si je dois brûler en enfer, je n’ai que faire de votre paradis ». Sa voix tonitruante semble sortir des profondeurs de son ventre charnu. La rivière coule, indifférente. Il s’esclaffe et s’enivre de son propre rire gras.

Dans ses yeux, brille la flamme des insoumis. Elle rallume le feu d’un souvenir brûlant, à l’époque où il se moquait effrontément de la bigoterie de ses parents. Les églises et les sacrements il n’en avait que faire, trop occupé qu’il était courant ici et là, dans les champs, aussi rapide qu’un rayon de lumière.

Et voilà à présent notre vieux qui remonte le temps. Il vient de rejoindre ce petit garnement, rieur et joyeux, qui courait après le vent. Courageux et orgueilleux comme le sont les enfants qui ne connaissent pas la peur, il se jouait des fantômes et des ombres, les chassant d’une main, les défiant d’une autre. Sa témérité effrayait les esprits malfaisants qui jamais ne s’aventuraient près de lui.

Son corps lourd et craquelé d’homme sans âge lui rappelle que la sève de la jeunesse ne revient plus le nourrir chaque printemps, mais il sait remonter le sens du courant d’une pensée et chaque fois il revient à cet enfant téméraire qu’il a tant aimé.

En ce jour, il ressent le besoin de lui parler et de lui demander ce qu’il a encore à lui dire. Pas question dit le vieux de quitter cette vie sans avoir compris ce que voulait vraiment ce petit garçon. Il a soif d’écouter ses secrets, car derrière le sourire et la clarté, le petit garçon cache un mystère. Un mystère qu’il chérit comme un astre brillant. Une poussière d’étoile qui n’a pas de prix.

Le vieux longtemps a couru derrière, tantôt essoufflé, tantôt dépassé, si souvent il a cru l’avoir attrapé. Mais déroulant à présent le fil de sa vie, l’homme revoit ces longs moments où il s’est senti creux, comme un vieux chêne malade. Il a cherché à combler ce vide de mousse et de bruyère, s’étalant dans l’amour d’une femme, se cachant parfois dans sa tanière.

Notre homme s’est contenté de peu, continuant sa route tant bien que mal, tombant souvent, se relevant par réflexe, déjouant le pièges de la vie, avec la facétie d’un lutin malicieux.

Aujourd’hui, le vieil homme n’a plus envie de jouer à ce jeu épuisant. Il ferme les yeux, confiant. Il sait que l’heure est venue de traverser la rivière du temps. L’univers retient son souffle. Le vieux savoure ce moment. Derrière ses paupières closes un petit garçon aux yeux scintillants le regarde intensément.

Le cœur du vieux éclate en mille soleil lumineux. Il ouvre les bras . L’enfant saute de joie. Leurs pas harmonieux éclaboussent la rivière. Ils avancent ensemble, sereins et heureux.

Dieu rit aux éclats, du haut de son ciel.

Le vieux sourit, amusé par ce rire qui fait battre son cœur d’une musique nouvelle.

Il ne sait pas où il va, mais il  se sent léger. Le petit garçon sait, lui, où ils doivent aller.

Ils chantonnent à présent et finissent par se perdre dans une forêt de rêves éternels.

L’écho de leurs voix fait danser les oiseaux et pousser des fleurs arc-en-ciel.

Près de la rivière, un arbre a fleuri aux racines.

Au loin, le vent s’émerveille de ce cadeau ultime.

Sandra C.

Découvrez ici le site du photographe Fréderic Senchet. Merci à lui pour l’illustration de cet article.

©larevolutioninterieure.com